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des tribus slaves qui semblent avoir porté en commun le nom de Léchites occupaient cette vaste région qui s’étend entre le Dnieper, la Moldau, la mer Baltique et la Mer-Noire. Elles étaient en lutte constante avec les Germains vers l’ouest et avec les nomades touraniens du côté de l’est. Les Léchites de la Moldau formèrent la Grande-Moravie, puis l’état tchèque, ceux de la Vistule la Pologne, ceux du Dnieper, conquis au Xe siècle par des Scandinaves venus des provinces suédoises de Ross-Lagen sous la conduite du wa-règue Rurik, prirent le nom de Rouss, Roussini ou Routheni, du nom de leurs conquérans, comme la France a pris le sien des Francs. Sous les successeurs de Rurik, Oleg et Igor, la Ruthénie fut un état puissant avec la superbe ville de Kiev pour capitale, tirant des guerriers de la Scandinavie par la Baltique, et menaçant Constantinople par ses flottes de la Mer-Noire. La coutume germanique du partage égal entre les enfans morcela le pays en une foule de principautés aux limites sans cesse variables et en guerre perpétuelle les unes avec les autres. Cependant certains de ces princes warègues passèrent le Dnieper et soumirent successivement les tribus touraniennes, Finnois, Petchénègues, Khosares, qui, après avoir adopté la foi, la langue et les usages des conquérans, se slavisèrent peu à peu. C’est là qu’il faut chercher les commencemens de la Moscovie. Moscou est fondé en 1147 par George, prince de Wladimir. Au milieu du XIIe siècle commencent les redoutables invasions des Mongols. Ils dévastent le pays, mais laissent l’autorité aux princes warègues, à la condition qu’ils paieront tribut. Un moment, vers le milieu du XIIIe siècle, toutes les Ruthénies sont réunies sous André, prince de Halicz (Galicie), qui se fait couronner roi russien par le pape Innocent IV et qui fonde Lemberg. Après lui, l’anarchie recommence. Enfin au XIIIe siècle les Ruthènes du Dnieper appellent à leurs secours Gédymin, prince de Lithuanie, qui bat les Mongols à la bataille de Pripet et réunit tout le pays de Kiev à ses états. D’autre part, la Ruthénie-Rouge s’était donnée à la Pologne. Il en résulta que quand Ladislas Jagellon de Lithuanie épousa en 1386 la reine Hedvige de Pologne, toutes les Ruthénies ou Russies furent réunies de nouveau, et un puissant état léchite se trouva constitué. A la diète de Horodlo, où la réunion de la Pologne et de la Lithuanie fut solennellement confirmée, on discuta pour savoir auquel des deux pays les Ruthénies appartiendraient ; mais comme cela n’avait guère d’importance pratique, il n’en résulta jamais de conflit. Au reste la Ruthénie fit avec la Pologne un traité séparé dans lequel elle déclara que, « nation libre, elle s’unissait à une nation libre, égale à son égale. » La fusion entre les différens pays fut complète. La noblesse jouit partout des mêmes droits. Les boyards descendant des