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l’humanité ont attendu intacts qu’un heureux hasard permît à la science de les consulter. Quelques-unes des constructions de ce village, contemporain de l’âge de la pierre, ont seules été déblayées. Un grand nombre d’autres, dont on peut déjà déterminer l’emplacement, sont encore cachées sous les ponces, et promettent au chercheur qui voudra fouiller dans ces décombres une riche moisson de renseignemens curieux ; ceux qui ont été recueillis jusqu’à présent offrent déjà le plus haut intérêt.

I.

C’est à Therasia, île voisine de Santorin, que les premières découvertes ont été opérées ; d’autres trouvailles semblables ont été faites peu après dans l’île de Santorin elle-même. Pour l’intelligence des descriptions qui vont suivre, nous avons besoin de rappeler au lecteur la constitution de ce groupe volcanique. Santorin, Therasia et Aspronisi forment une ceinture d’îles autour d’une baie circulaire d’environ 10 kilomètres de diamètre. Aspronisi est fort petite et constituée entièrement de matériaux légers et peu cohérens ; elle diminue chaque année d’étendue par l’action des eaux de la mer. Les deux autres îles, bien plus grandes que celle-ci, ont toutes les deux la forme d’un fer à cheval dont la concavité est tournée vers l’intérieur de l’enceinte maritime qu’elles circonscrivent. De ce côté, les rivages en sont abrupts et presque partout inaccessibles. Ils se présentent sous la forme de falaises verticales dont la hauteur en certains points atteint 400 mètres, et que des rampes étroites construites à grands frais permettent seules d’escalader. Des bancs de lave horizontaux d’un noir foncé, des couches de scories rougeâtres, des nappes de cendres d’un gris violacé, sont inégalement distribués dans la composition de ces murailles à pic. Une bande de pierre ponce d’une blancheur éclatante recouvre le tout, et ne fait que rendre plus étrange le lugubre assemblage des couleurs foncées qui s’étalent au-dessous. Quelques bancs de marbre et de schiste se montrent par place, et semblent là seulement pour attester la nature sédimentaire du sol primordial sur lequel sont venus s’épancher les produits volcaniques les plus variés. Ceux-ci constituent la matière principale du sol des trois îles, et démontrent qu’elles doivent presque entièrement leur origine à l’action du feu. On peut du reste observer le long des escarpemens dénudés des falaises de Santorin et de Therasia, sous la forme de longs rubans noirâtres à peu près verticaux, la trace des conduits, aujourd’hui engorgés, par lesquels la matière ignée sortant des profondeurs du sol est venue s’épancher au dehors.