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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1869.

Le spectacle de la vie publique qui se déroule en France depuis quelques jours est aussi nouveau qu’intéressant. C’est le tourbillon de toutes les politiques, le conflit de toutes les velléités, de toutes les arrière-pensées qui flottent dans les esprits. Le corps législatif fait son éducation sous nos yeux avec une bonne volonté mêlée d’inexpérience et d’incertitude. On ne marche pas évidemment avec assurance dans cette voie nouvelle qui vient de s’ouvrir, on n’est pas bien fixé sur ce qu’on veut ou sur ce qu’on peut ; on s’interroge mutuellement, on se communique des impressions, des espérances ou des craintes. Pendant que les uns parlent à la tribune et s’échauffent pour ou contre de vieilles élections, qui ne sont le plus souvent que le prétexte de discussions vagabondes, les autres négocient dans les couloirs, dans le demi-jour des réunions privées. Les partis essaient de se grouper, ils cherchent un terrain pour y planter leur tente et leur drapeau. Où est la majorité dans cette confusion d’une législature qui commence à peine ? Celle qui existait autrefois a disparu, ou du moins elle ne forme plus un corps compacte et discipliné s’ébranlant à un mot d’ordre ; la majorité nouvelle n’existe pas encore, et dans cette crise de transition la situation change chaque jour. Il suffit d’un coup frappé à propos, d’un discours éloquent, d’un programme opposé à un programme, pour que les groupes se déplacent, se dispersent ou se recomposent. C’est à ne plus se reconnaître dans tous ces dénombremens fantastiques de la gauche, de la droite, du centre gauche, du centre droit, des cent seize qui se fractionnent, des cent quatorze qui deviennent les cent vingt-huit, des vingt-cinq qui deviennent les quarante-trois. Le spectacle est nouveau et curieux un moment, nous n’en disconvenons point ; il ne faudrait cependant pas le laisser durer trop longtemps, et d’abord il faudrait se hâter de sortir de cette vérification des pouvoirs à la fois orageuse et traînante qui ne peut