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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/1017

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entreprises sont immenses en effet, et les dépenses le sont aussi. Il ne s’agit de rien moins que de la reconstruction d’une ville et de plus de deux milliards dépensés par M. le préfet de la Seine. Voilà qui peut faire figure dans les états de service d’un administrateur ! Par malheur, dans l’entreprenante ardeur de ses conceptions, M. le préfet de la Seine n’avait pas tout prévu, il l’avoue lui-même ; il ne s’était pas dit que tous ces expédiens qu’il puisait dans son fertile esprit pour mener de front tant de travaux pourraient un jour se tourner contre lui ; il ne pensait pas que la liquidation des affaires parisiennes se ferait sous le feu des discussions législatives, des polémiques de la presse, et qu’alors il y aurait un terrible moment à passer. Encore est-on du moins arrivé au terme de cette dangereuse et obscure liquidation ? On croyait presque en avoir fini par l’emprunt de 465 millions que le corps législatif a autorisé au mois d’avril dernier ; il n’en est rien, voici que maintenant M. le préfet de la Seine propose d’ajouter un léger supplément de 35 millions. Ce n’est pas tout, il faut régler les affaires de la caisse des travaux, de cette caisse qui a été le grand instrument de trésorerie pour les financiers de l’Hôtel de Ville ; il faudra faire face à des besoins nouveaux, à de nouveaux mécomptes : de là un autre emprunt de 250 millions dont l’exposé préfectoral laisse entrevoir la nécessité en perspective. — Tout compte fait, au commencement de 1869, on pensait en finir avec 400 millions ; d’ici à peu, on sera arrivé à 750 millions ; quand aura-t-on le dernier chiffre ? Après cela, nous comprenons bien qu’un administrateur accoutumé à opérer dans ces proportions se plaigne que, dans les limites où les pouvoirs publics semblent vouloir renfermer les moyens d’action de l’édilité parisienne, il ne soit plus possible d’aborder que des entreprises d’un ordre modeste, « Plus de concessions, s’écrie M. Haussmann de l’accent d’un homme à qui on interdit les grandes choses, plus de subventions payables à terme, plus de bons de délégation, plus d’instrument de trésorerie !… » Oui, effectivement ces choses ne sont plus de saison, elles s’en vont avec le système à l’ombre duquel elles ont été possibles. Où donc est le grand malheur que les hommes chargés de l’administration française ne puissent pas tout se permettre, et qu’en gardant assez de pouvoir pour réaliser d’accord avec l’opinion les entreprises utiles, ils ne restent point investis d’une omnipotence sans limite et sans frein ? M. Haussmann lui-même, M. Haussmann en qui nous ne voyons pas un administrateur vulgaire, est la première victime du système qu’il a poussé à bout dans les affaires de Paris. Avec moins de pouvoir, il eût été obligé de se surveiller de plus près, et il eût trouvé encore un champ assez large pour y déployer son énergique activité : avec les procédés autocratiques qu’il n’abdique qu’à demi, il s’est fait une position où il prétend aujourd’hui que le dévoûment seul le retient, et où il est difficile désormais qu’il reste longtemps.

A tout prendre, est-Ge donc seulement en France que se manifestent