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destiné à occuper le ministère des affaires étrangères et fait pour le bien occuper. On remarquera que dans tout cela la gauche a un rôle assez effacé : c’est qu’en effet elle n’a été qu’un appoint dans l’incident parlementaire qui a renversé l’ancien cabinet ; elle a voté pour M. Lanza, qui n’était point son candidat, en haine de M. Cambray-Digny, et de plus elle ne s’est pas moralement relevée encore du coup qu’elle s’est portée à elle-même, il y a deux ans, dans ces événemens de 1867 dont le général Ménabréa a eu du moins la fortune d’atténuer les conséquences pour l’Italie. M. Ratazzi s’est tenu prudemment à l’écart, de sorte que dans toutes les combinaisons tour à tour essayées ou abandonnées c’est entre des nuances du parti libéral modéré que la question se débat. Rien n’est changé dans la marche générale de la politique italienne. Un seul fait aurait pu avoir une signification particulière au point de vue extérieur, c’eût été l’avènement du général Cialdini aux affaires étrangères. Le général Cialdini n’a pas été étranger, si nous ne nous trompons, à la candidature du duc de Gênes au trône d’Espagne ; ministre des affaires étrangères, il eût été peut-être porté à la favoriser encore, et ce serait probablement une grande aventure pour l’Italie aussi bien que pour l’Espagne.

L’Italie se trouverait engagée malgré elle dans une affaire où l’Espagne elle-même d’ailleurs ne marche que d’un pas fort équivoque, sans bien savoir ce qu’elle veut. Le général Prim persiste, il est vrai, dans ses efforts en faveur du duc de Gênes ; le pays ne le suit pas, et dans l’assemblée constituante elle-même c’est à grand’peine qu’on pourra arriver à une majorité strictement suffisante. Cette histoire des candidatures à la couronne espagnole serait peut-être curieuse ; nous l’essaierons quelque jour. Ce qui est certain, c’est que dès l’origine tous les chefs principaux de la révolution de 1868, ceux qu’on appelait les unionistes, ne songeaient qu’à l’infante Marie-Louise-Fernande et au duc de Montpensier pour les placer sur le trône. Serrano, Dulce, Topete, Cordova, Izquierdo, Caballero de Rodas, Primo de Rivera, Peralta, étaient tous d’accord. Il y avait des démocrates qui sont aujourd’hui ministres, et qui ne s’opposaient nullement à cette combinaison. Un des hommes les plus honorables et les plus modérés du parti progressiste, intimement mêlé à ces négociations, M. Cantero, a révélé tout cela depuis, et le général Dulce, qui vient de mourir, l’a confirmé dans un document fait pour retentir au-delà des Pyrénées. Si dès le premier jour, sur le champ de bataille d’Alcolea, on n’avait pas proclamé le duc de Montpensier et l’infante, c’est qu’on ne voulait pas avoir l’air de faire une royauté par une insurrection militaire, et si plus tard cette combinaison s’effaçait dans le tumulte de la révolution, c’est qu’en face, de l’importance croissante prise par les partis extrêmes les opinions plus modérées sentaient le besoin de rester unies en se ralliant toutes ensemble à une candidature qui pouvait représenter une idée patriotique séduisante, l’idée de l’unité ibérique. La candidature du roi