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AUTOUR D’UNE SOURCE

QUATRIÈME PARTIE (1).

XXIII.

Le jour commençait à poindre lorsque l’abbé Roche se retrouva dans son presbytère. Il s’étendit sur son lit, espérant y trouver un peu de calme et de repos ; mais à peine eut-il fermé les yeux qu’il fut assailli par une foule de visions. Le château était en feu. La vieille cloche de l’église sonnait à toute volée, et le village réveillé en sursaut courait aux seaux d’incendie. Il s’élançait au milieu des flammes, et apercevait la comtesse échevelée, à peine vêtue, se tordant les mains, l’appelant à son secours. — Mon ami, je vous pardonne, criait-elle ; sauvez-moi, sauvez-moi ! Il franchissait tous les obstacles, montait jusqu’à elle et l’enlevait dans ses bras. Elle s’accrochait à lui, le serrait de toutes ses forces.

— Vous êtes mon sauveur, je vous aime, disait-elle. A ces mots, il sentait ses forces tripler, et il l’emportait au milieu des flammes. Les plafonds et les toits s’effondraient. On lui criait : « par ici, par là. » Il ne pouvait plus avancer. Il la voyait se pâmer, et l’idée de mourir avec elle au milieu de ce tumulte lui causait une si grande émotion qu’il se réveillait tout à coup. Alors, se retouvant au sortir de cette fournaise dans sa petite chambre silencieuse que commençaient à éclairer les lueurs bleuâtres du matin, il s’écriait en joignant les mains : — Mon Dieu, mon Dieu, rendez-moi le calme !

(1) Voyc2 la Revue du 15 septembre et des 1" et 15 octobre.