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ladent les flancs de la montagne et plongent dans les profondeurs du tunnel, où ils apportent la force motrice nécessaire pour faire marcher les machines perforatrices. Ces tubes ont aujourd’hui un développement total de 6,440 mètres, dont 2,200 mètres à l’extérieur. Dans le tunnel, la conduite est souterraine, et par conséquent à l’abri des éclats de mine et des blocs tombant de la voûte ; elle se ramifie ensuite en plusieurs veines flexibles au moyen de tuyaux de caoutchouc enveloppés d’une forte chemise de toile, qui se déroulent à mesure que le travail avance. Chacun de ces tuyaux aboutit à une machine composée d’un corps de pompe dans lequel se meut, par l’effet de la dilatation de l’air, un piston d’acier terminé en pointe. Ce piston frappe le roc de 200 coups par minute, et chacun de ces coups représente le choc d’un poids de 160 kilogrammes. Par un mécanisme très ingénieux, le piston, dont la course est de 12 centimètres, tourne sur lui-même et avance peu à peu à mesure que le trou se creuse. Neuf de ces machines, munies chacune de 6 perforateurs, travaillent incessamment sur un front de 2m, 80 de largeur sur 2m, 60 de hauteur. Lorsque les trous qu’elles ont creusés ont atteint la profondeur de 80 centimètres, on y place des cartouches préparées à l’avance, et auxquelles on met le feu. La roche vole en éclats, les déblais sont enlevés sur des wagons, et les machines recommencent leur œuvre. Cette opération, répétée trois fois en vingt- quatre heures, produit un avancement d’environ 2 mètres par jour. Au commencement de septembre de cette année, la longueur ouverte était, du côté italien, de 5,913 mètres, et du côté français, de 4,222 mètres; comme le tunnel doit avoir 12,200 mètres, il ne restait à perforer que 2,065 mètres, opération qu’on espérait avoir terminée pour les premiers jours de 1871.

Nous avons dit que les machines ne fonctionnaient que sur un espace de 2m, 80 de large sur 2m, 60 de haut. Le surplus des matériaux à enlever pour donner au tunnel la section normale nécessaire à l’établissement de deux voies, c’est-à-dire une largeur de 8 mètres, est extrait par les moyens ordinaires, le pic, le marteau et la mine. Les parois sont ensuite maçonnées et cimentées avec soin, de façon à empêcher les éboulemens qui pourraient survenir.

Les roches qu’on a rencontrées dans ce travail sont des quartzites, des schistes et des calcaires schisteux. Les premières étaient d’une dureté extrême : aussi n’avançait-on qu’avec une grande lenteur et en usant un grand nombre de machines; aujourd’hui on est dans la zone calcaire, et le travail se fait beaucoup plus vite. On avait craint que le percement ne mît à découvert quelques nappes d’eau souterraines qui, envahissant le tunnel, empêcheraient l’exécution des travaux. Rien de semblable ne s’est passé. Il s’est produit