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phie chimique de M. Dumas. Parmi les livres récens, nous ne voyons guère, comme exemple à donner, que l’Histoire des Doctrines chimiques depuis Lavoisier, par M. Wurtz. Nous sommes donc encore bien pauvres sous ce rapport, et il y a là une mine féconde qu’il importe d’exploiter. Il est certain qu’une histoire générale des sciences serait un des livres les plus beaux et les plus utiles qu’on pût l’aire actuellement, et qu’à défaut d’une œuvre si considérable il y a encore à entreprendre des travaux de haute conséquence en traçant les annales de quelques sciences particulières.

Celui qui ne craindrait pas d’aborder de front l’histoire générale qui ne reculerait pas devant la tâche ardue de tracer ainsi un vaste tableau d’ensemble, trouverait un cadre commode et nettement dessiné dans l’histoire même de notre Académie des Sciences. Elle a pris depuis deux cents ans la part la plus active à toutes les recherches et à toutes les découvertes; elle n’a pas cessé d’être comme le foyer où sont venus converger les efforts des savans. Elle s’est recrutée d’ailleurs de tous les hommes qui ont marqué dans nos fastes scientifiques ; il n’y manque aucun nom célèbre, et on peut remarquer qu’elle a été sous ce rapport plus heureuse que l’Académie française, qui a omis d’appeler dans son sein des hommes tels que Molière et La Fontaine, — pour ne citer que ces deux-là. Une histoire de l’Académie des Sciences deviendrait donc facilement, entre les mains d’un auteur habile et compétent, une histoire des sciences elles-mêmes, et l’on y verrait naître et se développer dans leur vrai milieu tous les grands problèmes qui ont successivement excité la curiosité humaine. M. Joseph Bertrand, en se faisant dans un livre récent l’historien de l’ancienne académie, ne s’est point proposé une œuvre si complète. Et d’abord il s’arrête aux dernières années du XVIIIe siècle, au moment où toutes les académies furent dispersées par des décrets de la convention; mais, dans la période même qu’il embrasse, il ne s’attache pas à marquer, même à grands traits, la marche générale des sciences. Il s’est fait un plan plus modeste. Il a recueilli nombre de données intéressantes sur la vie intérieure de l’ancienne académie, dont il a compulsé les procès-verbaux; il est arrivé ainsi à faire revivre la physionomie des séances et à nous montrer les académiciens dans leurs travaux et dans leurs préoccupations de chaque jour. C’est un des côtés du sujet, la chronique plutôt que l’histoire. S’il a plu à M. Bertrand de considérer la question à ce point de vue restreint, on sait que personne n’était plus apte que lui à mener à bonne fin le travail d’ensemble dont nous parlions tout à l’heure. Prenons pour le moment ce qu’il nous donne. L’esquisse légère à laquelle il a voulu se borner nous montre du moins, sous une forme vivante, l’Académie dans les principales périodes de son existence.