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démie des Sciences, comme pressée de le posséder, lui fit un honneur qu’elle n’avait encore fait à personne, et qui fut refusé plus tard aux hommes les plus illustres : elle le nomma d’emblée pensionnaire sans le faire passer par les grades inférieurs d’adjoint ou d’associé. L’Académie française le distingua de son côté et l’appela dans son sein. Rien ne justifie à nos yeux les faveurs exceptionnelles dont Mairan fut ainsi l’objet. Sans doute son principal mérite consistait dans ces qualités d’entregent qui frappent vivement les contemporains, mais dont l’histoire perd le souvenir. Il ne resta d’ailleurs que trois ans secrétaire, et céda sa place en 1743 à Grandjean de Fouchy. L’académie eut en Fouchy, pendant plus de trente ans, un secrétaire diligent et infatigable, activement mêlé aux travaux de ses collègues et attentif à les enregistrer avec un soin jaloux. Sous des dehors un peu ternes, il avait les qualités solides de son emploi. Comme Duhamel, qu’il rappelle par plusieurs côtés, il eut la modestie de se choisir un adjoint doué des qualités les plus brillantes, et de se donner ainsi un successeur qui devait l’effacer ; ce fut Condorcet, qui conserva les fonctions de secrétaire jusqu’en 1793. Condorcet s’était fait de bonne heure un nom comme géomètre ; il s’était donné dès la jeunesse cette forte éducation scientifique que rien ne remplace. Assez instruit pour entrer dans le vif de toutes les questions, doué d’un esprit assez ouvert pour embrasser l’ensemble des sciences, habile à écrire et à parler, il remplit ses fonctions avec autant de zèle que d’éloquence jusqu’au moment où la vie politique vint l’absorber tout entier. Ses éloges académiques, moins gracieux, mais plus nourris que ceux de Fontenelle, étaient fort goûtés de ses contemporains. « Le public, lui écrivait Voltaire, va désirer qu’il meure un académicien par semaine pour vous en entendre parler. »

Telle est la liste des secrétaires perpétuels de l’ancienne académie. Il faillit s’y introduire, entre les noms de Fontenelle et de Condorcet, un nom bien plus glorieux, celui même de Voltaire. À l’époque où Fontenelle songeait à abandonner une fonction devenue trop fatigante pour sa vieillesse. Voltaire avait conçu le secret dessein de recueillir cette charge de « premier ministre de la philosophie. » Voltaire, à cette époque, n’était point encore entré à l’Académie française ; ses ennemis avaient réussi à l’en écarter, et un certain dépit à poussait à fausser compagnie aux quarante en allant remplir chez leurs voisins un office auquel il eût sans doute donné un grand éclat. Il s’appliquait donc à se créer des titres scientifiques. Retiré à Cirey, il s’occupait de physique avec l’ardeur qu’il mettait à toutes choses ; il étudiait Newton, dont il résumait les théories dans son livre des Élémens de philosophie newtonienne ; il fai-