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turne, il se hâta de faire remarquer que cette découverte portait à quatorze le nombre des astres errans ; c’était le chiffre même du roi-soleil. Le grand Louis aimait ces flatteries, et il récompensa celle-là par une grasse pension. À ses talens, Cassini joignit celui de fonder une véritable dynastie ; ses descendans, Jacques Cassini et Cassini de Thury[1], gérèrent l’Observatoire pendant une grande partie du XVIIIe siècle.

Au reste, les travaux astronomiques n’étaient pas concentrés à l’Observatoire royal. La ville de Paris, pendant tout le siècle, compta presque constamment huit ou dix observatoires sérieusement organisés pour l’étude du ciel. Ainsi Bernoulli, dans un voyage qu’il fit à Paris en 1767, constata que Lemonnier, astronome du roi, avait chez lui, rue Saint-Honoré, une station organisée au moyen des instrumens qui avaient servi à ["expédition de Laponie ; Lalande observait au Luxembourg, Lacaille au collège Mazarin. L’École-Militaire avait un observatoire confié à l’académicien Jeaurat ; la marine en avait à l’hôtel de Cluny un autre qui était dirigé par Messier ; la confrérie de Sainte-Geneviève faisait étudier le ciel par son bibliothécaire, Pingré, d’ans les bâtimens actuels du lycée Napoléon. Enfin le marquis de Courtanvaux, académicien honoraire et grand seigneur fort riche, avait installé dans sa terre de Colombes un observatoire des plus coquets et des mieux pourvus.

Nous pourrions ainsi trouver dans la section d’astronomie une longue liste d’observateurs exacts et laborieux. Prenons-y seulement quelques noms qui attirent plus particulièrement l’attention. — Bailly, fils d’un gardien des tableaux du roi, s’instruisit seul dans les sciences, et débuta pair une théorie des satellites de Jupiter qui eut un grand succès dans son temps. L’œuvre principale de Bailly est pour nous son Histoire de l’astronomie, ouvrage d’un style recherché, mais plein d’érudition et d’une science exacte et sérieuse. C’est une figure singulière et originale que celle de l’astronome Lalande. On nous le représente comme une sorte de bourru bienfaisant, en querelle avec tout le monde, affectant de braver les préjugés et d’appeler chaque chose par son nom, ne craignant pas de s’installer sur le Pont-Neuf pour montrer les étoiles aux passans, fort honnête homme d’ailleurs, loyal et généreux à sa manière. Il était, comme on sait, irréligieux avec passion, ce qui ne l’empêcha

  1. Ce dernier a attaché son nom à cette belle raite de France qui a été le résultat des travaux géodésiques de tout le siècle, et qui donnait une représentation exacte du pays à l’échelle d’une ligne pour cent toises. Cassini de Thury avait su intéresser à cette œuvre le roi Louis XV, qui y consacra d’abord des sommes importantes. L’état des finances ayant fait supprimer ces libéralités royales, Cassini de Thury ne se découragea pas ; il organisa une association particulière qui soutint l’entreprise à ses frais, et la continua, jusqu’en l’année 1793, où la convention, sur le rapport de Fabre d’Églantine, s’empara de la carte et des planches gravées comme d’un bien appartenant à l’état.