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pas, au plus fort de la terreur, de cacher dans son observatoire plusieurs prêtres menacés de mort. « Je vous ferai passer, leur dit-il, pour des élèves astronomes. » Et comme ils hésitaient : « Je ne mentirai pas, ajouta-t-il, nous nous occupons du ciel, vous et moi, mais pas de la même façon. » Au reste, il semble que les astronomes, élevés dans une région supérieure par la contemplation des corps célestes, aient eu ainsi comme une grâce d’état pour mépriser les fureurs de la révolution, témoin ce trait qu’on nous raconte. Messier, enfermé dans son observatoire de l’hôtel de Cluny, trouve une comète aux plus mauvais jours de la terreur; malhabile aux calculs, il était embarrassé pour déterminer l’orbite de l’astre errant. Il songea au président Bochard de Saron, habile calculateur, qui aimait à aider les astronomes dans leurs travaux. Le président, déjà condamné par le tribunal révolutionnaire, n’avait plus que quelques heures à vivre. Il les employa à déterminer, à l’aide des observations de Messier, l’orbite de la nouvelle comète.

La section de mécanique comprenait surtout, dans les idées du temps, ceux qui s’appliquaient aux mécanismes et à la physique expérimentale. Nous y voyons figurer au début Amontons, connu pour avoir eu le premier l’idée d’employer comme force motrice celle de l’air échauffé. Huyghens voulait utiliser la force de la poudre, Papin celle de la vapeur d’eau ; Amontons eut recours à la force élastique de l’air, et ses recherches sur ce point l’amenèrent incidemment à constater un phénomène des plus importans : il découvrit la constance de la température d’ébullition de l’eau. C’est encore Amontons qui a le premier donné des idées précises sur le frottement; il prouva que cette résistance est proportionnelle à la pression et indépendante des surfaces en contact. C’est lui enfin qui, bien avant les frères Chappe, proposa l’établissement de télégraphes optiques ; des gens munis de lunettes et placés dans des postes convenablement espacés devaient en peu de minutes transmettre un signal de Paris à Rome. — Vaucanson eut de bonne heure le génie des amusemens mécaniques. A vingt ans, il présentait à l’académie son célèbre automate joueur de flûte. C’était d’ailleurs un homme d’esprit que ce Vaucanson. Les ouvriers en soierie de Lyon réclamaient pour leurs privilèges compromis par l’usage des machines, ils arguaient de l’intelligence requise dans leur métier; Vaucanson leur produisit aussitôt un appareil auquel il suffisait d’atteler un âne pour fabriquer les étoffes les plus riches. Vaucanson avait formé chez lui une nombreuse collection de machines, véritable musée qu’il légua à l’état, et qui devint le premier fonds de la galerie des Arts et Métiers. — Voici encore Perronnet, le constructeur du pont de Neuilly, et Trudaine, le fondateur de l’École des ponts et chaussées; ce sont les ancêtres de ce corps d’ingénieurs qui a pris dans l’histoire des