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présens de divers souverains, dont les journaux se complaisent à nous donner la nomenclature, je défie qu’il se trouve un collier aussi riche en perles de la plus belle eau.

Il était un roi de Thulé,


non, mais un vieux maréchal du second empire qui, voulant enfin donner une ombre de satisfaction aux plaintes trop légitimes des compositeurs éconduits, institua des jeux floraux sur toute la ligne. On dressa des mâts de cocagne partout : devant le Théâtre-Lyrique, devant la salle Favart, dans la grande cour de l’Opéra, et, le tambour ayant battu trois roulemens, la voix de l’autorité s’écria : « Grimpez, messieurs, vous trouverez là-haut en guise de timbale d’argent un bel et bon libretto enguirlandé de faveurs tricolores, » A l’Opéra, la timbale est une coupe, la Coupe du roi de Thulé. Qui sortira vainqueur? Nul ne le pourrait dire encore; mais, s’il ne doit y en avoir qu’un d’élu, les concurrens n’auront point fait défaut, on n’en compte pas moins de quarante-deux. Le jury, nommé par les candidats, fonctionne chaque jour quatre et cinq heures. Il importe en effet que la question soit résolue au plus vite, le directeur tenant à mettre immédiatement à l’étude l’ouvrage couronné, ce qui est la meilleure façon d’interpréter la pensée dont émane cet acte d’encouragement.

Les autres concours sembleraient n’avoir donné que d’assez piteux résultats; celui du Théâtre-Lyrique n’a contenté personne, excepté le directeur, fort heureux de s’en tirer en ne jouant qu’un acte. A l’Opéra-Comique, le Florentin ne donne pas signe de vie. Par contre, une certaine émotion règne autour de ce qui se passe dans la commission réunie à l’Opéra. Là est l’intérêt de la situation, et cette épreuve seule comptera pour décisive aux yeux de ceux qui cherchent à se former une opinion sur le bénéfice que les concours peuvent offrir. On constate déjà des traces de talent dans plusieurs des partitions soumises à l’examen : il va sans dire que la tendance wagnérienne prédomine. Je ne pense pas du reste que raisonnablement on doive beaucoup s’en alarmer. Le wagnérisme a cela de bon, que ses complications rendent la langue musicale moins abordable aux ignorans : ne module pas qui veut, et les enharmoniques ne se font pas aussi aisément que des chansonnettes. Le malheur veut que l’inventeur de tant de belles théories ne soit pas un mélodiste, et que, lorsqu’il s’imagine trouver une phrase, cette phrase ressemble à tout, même à l’air du sergent dans le Philtre, comme on peut le voir dans ce splendide chant nuptial de Lohengrin; mais un sonoriste de la force de M. Wagner qui serait doué en plus de l’idée mélodique n’entendrait qu’applaudir à son avènement. C’est ce musicien de l’avenir que prépare l’auteur de Tanhäuser. Son système