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l’élite des travailleurs, et c’était plaisir à voir comme ils s’acquittèrent vivement de leur besogne. Les Chinois surtout, graves, silencieux, alertes, s’entr’aidant adroitement l’un l’autre, furent l’objet de l’admiration et de l’approbation générales. « Ils travaillaient comme des prestidigitateurs, » dit un témoin oculaire.

À onze heures, les deux troupes se trouvèrent face à face. Deux locomotives s’avancèrent de chaque côté l’une au-devant de l’autre, pour exhaler dans un jet de vapeur un salut qui déchira les oreilles. En même temps le comité expédiait à Chicago et à San-Francisco une dépêché télégraphique adressée à l’Association des journaux des états de l’est et de l’ouest et ainsi conçue : « tenez-vous prêts à recevoir les signaux correspondans aux derniers coups de marteau. » Par un procédé très simple, les fils télégraphiques de la ligne principale correspondant avec les états de l’est et de l’ouest avaient été mis en communication électrique avec l’endroit même où le dernier boulon allait être placé. À Chicago, à Omaha, à San-Francisco, les trois principaux bureaux télégraphiques les plus rapprochés de Promotory-Point, on s’était arrangé de manière à correspondre directement avec New-York, Washington, Saint-Louis, Cincinnati et autres grandes cités. Dans ces dernières enfin, on avait pris des dispositions particulières à l’aide desquelles la grande ligne télégraphique communiquait avec les signaux électriques à incendie établis dans ces villes. Grâce à ces ingénieuses précautions, les coups de marteau frappés à Promotory-Point pour fixer le dernier rail du Grand-Pacifique trouvèrent un écho immédiat dans tous les états de la république.

La traverse sur laquelle devait reposer le dernier rail était en bois de laurier, le boulon qui devait unir la traverse au rail en or massif, le marteau dont on devait se servir en argent. Le docteur Harkness, député de la Californie, présenta ces objets à MM. Stanford et Durant. « Cet or extrait des mines et ce bois précieux coupé dans les forêts de la Californie, dit-il, les citoyens de l’état vous l’offrent pour qu’ils deviennent parties intégrantes de la voie qui va unir la Californie aux états frères de l’est, le Pacifique à l’Atlantique. » Le général Safford, député du territoire d’Arizona, offrit un autre boulon fait de fer, d’or et d’argent. « Riche en fer, or et argent, dit-il, le territoire d’Arizona apporte cette offrande à l’entreprise qui est comme le grand trait d’union des états américains, et qui ouvre une nouvelle voie au commerce. » Les derniers rails avaient été apportés par l’administration de l’Union. Le général Dodge, député, prononça en les désignant un discours qui se terminait ainsi : « Vous avez accompli l’œuvre de Christophe Colomb. Ceci est le chemin qui conduit aux Indes. » Le dernier enfin, le dé-