Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puté de Nevada offrit un troisième boulon, celui-là en argent, et dit : « Au fer de l’est et à l’or de l’ouest, Nevada joint son lien d’argent. »

MM. Stanford et Durant, les présidens des deux chemins de fer, auxquels était échu l’honneur de fixer le dernier rail, s’avancèrent alors pour procéder à l’œuvre. Au même moment, la dépêche suivante fut transmise à San-Francisco et à Chicago : « Tous les préparatifs sont terminés. Otez vos chapeaux. Nous allons prier. » Chicago, prenant la parole au nom des états de l’Atlantique, répondit : « Nous comprenons, et nous vous suivons. Tous les états de l’est vous écoutent. » Quelques-instans après, les signaux électriques, répétant de par l’Amérique entière chaque coup de marteau frappé en ce moment au milieu du continent, apprirent aux citoyens, qui écoutaient dans un silence religieux, que l’œuvre venait d’être accomplie. Cette communion simultanée dans une grande et belle pensée produisit un effet dont les assistans seuls peuvent se faire une idée. Cette voix venant des régions mystérieuses du centre du continent, annonçant au monde l’achèvement d’une grande œuvre, fit vibrer les plus nobles cordes du cœur humain : il y eut des larmes d’émotion et des cris de joie. Enfin les chapeaux volèrent en l’air, et ce furent des hurrahs, des « vive l’Amérique ! vive la grande république ! » comme on n’en avait jamais entendu en plus belle occasion. Dans les principales villes des États-Unis, l’événement fut célébré par des saints de cent coups de canon ; à Chicago et en beaucoup d’autres endroits, il y eut des fêtes dans le genre de celle de San-Francisco. Dans le compte-rendu de la fête de Chicago, je trouve les détails suivans : la procession se composait de 813 véhicules, parmi lesquels 19 charrettes chargées de bois, 20 omnibus, 15 pompes à incendie et 30 vélocipèdes. Le chroniqueur n’explique pas pourquoi les charrettes étaient chargées de bois, ni comment les vélocipèdes avaient pris et conservé l’allure solennelle d’une marche de procession.

À Promotory-Point, on avait pendant ce temps continué à débiter des discours et à expédier des dépêches. Le président Grant et le vice-président Colfax avaient reçu les avis officiels signés des présidens des deux lignes de chemins de fer. Les principaux journaux, représentés ce jour-là sur le lieu d’inauguration par des correspondans spéciaux, avaient également eu leur part dans cette dépense d’électricité, et, comme toutes ces dépêches et beaucoup d’autres, échangées entre les présidens de chambres de commerce, les gouverneurs, les maires, les juges, envoyées aussi de particulier à particulier, furent, en même temps que les réponses et commentaires, dûment publiées dans les journaux américains, ceux-ci