Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
CHARLES XII DE VOLTAIRE
ET LE
CHARLES XII DE L’HISTOIRE


I.

C’est un livre charmant et tout français que le Charles XII de Voltaire, modèle non-seulement de cette langue intelligente, claire, précise, que l’Europe nous a enviée et, autant qu’elle l’a pu, empruntée, mais aussi de quelques-unes des qualités essentielles à la composition historique. Savoir, en présence des informations complexes du passé qu’on veut faire revivre, distinguer le superflu, élaguer l’inutile, saisir tout le nécessaire, le grouper habilement, le résumer, le rendre par une exposition alerte et vive, ne laissant après soi rien que de lumineux, c’est un art difficile dont ce petit volume offre beaucoup d’exemples. Plusieurs des pages qui le composent sont des narrations parfaites, infiniment spirituelles dans leur brièveté savante; jamais, en aucune langue, nul historien n’a mieux conté. Tout le monde a lu l’intéressant récit de là campagne de Pultava, bien que, avec notre expérience de pareils désastres, nous eussions voulu trouver l’historien moins discret et plus ému sur cette première retraite de Russie. Le séjour en Turquie, l’affaire du Pruth, l’étrange siège soutenu par le roi de Suède et quelques-uns des siens, — cinquante ou soixante hommes, — contre une armée ottomane pourvue de douze canons, son retour non moins étrange à travers toute l’Allemagne, sont autant d’épisodes dramatiques dont Voltaire a tracé les plus attachans tableaux. Vol-