Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taire en outre a fait preuve ici de certains mérites peu ordinaires chez ses contemporains. Alors que nos écrivains se préoccupaient assez peu des mœurs et des circonstances étrangères, il a fait un très notable effort pour joindre au tableau des faits celui des institutions, des coutumes, des climats, et comme son sujet, riche d’aventures, se trouvait multiple et varié, il y a introduit d’intéressantes digressions qui retiennent l’esprit du lecteur par la diversité des scènes. Sa peinture des belles nuits d’été suédoises, sa description des grandes plaines de la Pologne, des solitudes et des marécages de l’Ukraine, mêlent utilement au souvenir des faits l’impression des lieux, et montrent un accord naturel entre le décor changeant et le capricieux héros.

On ne conteste rien de tout cela à l’étranger. De même qu’on répète ce vieux proverbe, que les Français sont le peuple le plus aimable de la terre, pour ajouter souvent quelque satire à ce compliment suranné et suspect, de même on continue de professer que le Charles XII figure encore assez bien comme livre d’école en Occident et en Orient, partout où l’on se pique d’apprendre la langue française; mais en réalité on le dédaigne à titre d’œuvre historique, on lui refuse tout crédit, on le traite d’agréable roman. Les écrivains suédois tout les premiers vont répétant cette formule. C’est faire preuve de quelque légèreté, croyons-nous, et d’ingratitude. Sans le livre de Voltaire, qui a été, pendant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle et depuis, lu dans le monde entier, Charles XII, à vrai dire, n’aurait pas la moitié du renom qu’il a conquis : cet Achille a trouvé son Homère. D’ailleurs il est facile de démontrer qu’à l’examen ce petit volume résiste, et continue de revendiquer sa place aux premiers rangs de la littérature historique. Qu’on l’étudie, non plus seulement sous le rapport de la forme, mais pour l’intégrité du récit, la justesse du coup d’œil général, et on se convaincra qu’il est encore aujourd’hui, après tant de travaux en France, en Allemagne ou dans le Nord, le meilleur livre d’ensemble sur l’histoire de Charles XII.

Il y a eu en Suède, particulièrement dans les vingt ou trente dernières années, des études fort distinguées sur divers points de cette histoire. Voici une dissertation de M. Carlsson, aujourd’hui membre éminent du cabinet suédois, et l’un des chefs, après l’illustre Geijer, de la moderne école historique dans le Nord; l’auteur rend un compte très attentif et très nouveau des négociations qui remplissent les dernières années de Charles XII. Voici celle de M. Wahrenberg sur les trois premières années, si éclatantes, de son règne. Voici les remarques pénétrantes de M. C. G. Malmström, soit en tête de son Histoire de Suède de 1718 à 1772, soit, il y a quelques mois seulement, dans