Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un recueil de critique littéraire. Le discours prononcé par le prince Oscar en décembre dernier à propos du cent cinquantième anniversaire de la mort de Charles XII est une étude fort habile, éloquente et patriotique, mais qui considère à peu près exclusivement son sujet par le côté militaire. M. Fryxell, dans la longue et précieuse série de ses Récits de l’histoire de Suède, n’a pas consacré moins de neuf volumes à l’histoire générale du règne; c’est là une enquête abondante, un peu touffue, mais de vrai mérite. M. le baron de Beskow, enlevé l’an dernier aux lettres suédoises après une carrière longue et honorée, a donné pour derniers travaux deux volumes sur Charles XII et un sur Görtz, son ministre : œuvres de panégyriste plutôt que d’historien... Nous avons lu tous ces livres avec l’attention qu’ils méritent, et, cette lecture faite, nous ne pensons pas qu’un seul de ces écrivains si estimables pense avoir substitué au livre de Voltaire pour les générations présentes et futures un livre où elles aillent désormais chercher la vivante physionomie du héros suédois. M. Fryxell, par ses patientes recherches, par ses informations multiples, intéresse vivement l’historien et le publiciste qui veulent connaître l’état intérieur de la Suède pendant cette mémorable période; il apporte sur le peu d’industrie et de commerce dont ce pays jouissait alors, sur ce qui restait de sciences et de lettres, sur la misère générale, sur les négociations extérieures, sur les guerres, un détail infini : c’est lui assurément qui approche le plus près du but; mais l’extrême division de son livre en chapitres et paragraphes le condamne à des répétitions fréquentes et nuit à l’impression générale. De plus sa conscience d’écrivain l’empêche de dissimuler combien il reste encore d’obscurité sur tant d’épisodes dispersés en des scènes lointaines et diverses; très impartial, il nous dit sur Charles XII, sans trop prendre parti, le mal comme le bien; il nous offre les moyens de former et d’asseoir notre jugement plutôt qu’il ne juge lui-même.

Si les récens écrivains de la Suède, mieux instruits à ce sujet que tous les autres, ne peuvent croire, pensons-nous, qu’ils aient rendu désormais inutile au renom de Charles XII le livre de Voltaire, ce n’est sans doute pas à quelqu’un des livres du XVIIIe siècle qu’ils accorderont ce privilège. Il peut avoir été fort honnête homme, le chapelain Nordberg, et fort digne d’être choisi par le roi de Suède, comme dit Voltaire, pour confesseur, sinon pour confident; mais son Histoire de Charles XII, en quatre volumes in-quarto, que vers le milieu de 1741 Warmholtz a pris la peine de traduire en français, n’en est pas moins parfaitement illisible. L’ouvrage d’Adlerberg n’est qu’un journal militaire; ceux de Limiers et de Grimaret n’ont pas plus d’ensemble ni de charme. Ce n’est pas seulement pour sa forme excellente que le livre de Voltaire doit subsister, c’est aussi parce