Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cation et les premiers actes publics de son héros. Les historiens suédois au contraire abondent en détails, quelquefois inutiles sans doute, mais d’où se dégage, outre certains traits de réalité plus correcte, une forte impression, seulement ébauchée dans l’ouvrage français : nous voulons parler de la surprise douloureuse qui survient au lecteur moderne en voyant une grande nation, alors puissante et redoutée en Europe, se livrer, sans aucune sorte de constitution vraiment obéie, au caprice d’un enfant têtu et mal élevé, comme était tout d’abord Charles XII; nous voulons parler de l’infaillible prévision des maux destinés à la Suède sous un roi si profondément et si naïvement imbu des doctrines de l’absolutisme. On mesure une fois de plus par de tels récits quel fléau ce fut que cette superstition monarchique destinée à désoler l’Europe, soit à la fin du XVIIe siècle, quand elle était dominante, soit à la fin du XVIIIe siècle, quand elle succomba sous les coups d’une réaction terrible.

Héritier de Charles XI, qui, contemporain et disciple de Louis XIV, avait fait consacrer en 1680 par ses propres sujets la théorie de l’absolutisme royal, Charles XII était devenu roi en 1697, à quinze ans, avant d’avoir seulement achevé une éducation infatuée de toute-puissance. Il ne pouvait mieux montrer sa fidélité aux leçons paternelles qu’en mettant à néant les volontés mêmes et le testament de son père : c’était d’ailleurs imiter la France, où les dernières volontés de Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, ne furent, comme on sait, nullement obéies. Le jeune roi ayant manifesté son désir d’être débarrassé d’une régence, ce changement s’accomplit, dit Voltaire, en trois jours; il aurait pu dire en quelques heures, et le détail d’un tel épisode eût montré quelle était dès ce moment la division des esprits et des intérêts en Suède, combien la royauté y avait détruit non-seulement toute institution, mais aussi tout patriotisme et toute indépendance. Le comte Piper, empressé à saisir cette occasion d’une brillante fortune, commença d’en parler à un ou deux des conseillers de régence nommés par Charles XI; ceux-ci, ambitieux et jaloux de leurs collègues, furent ravis de se donner le mérite d’un premier assentiment. On n’eut pas de peine à faire des recrues parmi le reste des nobles, jaloux eux-mêmes du conseil de régence. Les choses ainsi préparées, on jugea convenable de convoquer la diète, afin que l’ombre de la représentation nationale autorisât ce qu’on méditait. Les députés des quatre ordres se réunirent le à novembre, et une étrange comédie politique s’accomplit dans la journée du 8. La première scène se passa dans la chambre des nobles; quelques-uns des principaux membres commencèrent à parler entre eux de la convenance qu’il y aurait à ce que, malgré