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le testament de Charles XI, la majorité du jeune roi fût immédiatement déclarée. Un des précepteurs royaux ayant objecté que l’affaire était délicate et demandait réflexion, le comte Lewenhaupt lui imposa silence en le menaçant de le jeter par la fenêtre. Cette façon d’argumenter simplifia la délibération, et, le reste des nobles ayant été saisi du projet, tous ensemble, jetant leurs chapeaux en l’air, s’écrièrent : « Vive le roi Charles XII! » L’horloge de la ville sonnait dix heures du matin. A onze heures, une députation de la noblesse vint soumettre la proposition de majorité au sénat, lequel, bien entendu, n’eut d’autre préoccupation que de ne point paraître s’être laissé prévenir par la chambre des nobles. Pour qu’il n’y eût pas de temps perdu, Charles lui-même, avec le conseil de régence et la reine douairière tutrice, était venu comme par hasard. Le sénat lui fit immédiatement sa proposition; il répondit que le fardeau serait bien lourd, mais qu’il l’accepterait pour l’amour de ses peuples. Les députés nobles furent toutefois chargés d’obtenir l’assentiment des trois autres chambres de la diète. Ils convoquèrent donc pour trois heures de l’après-midi les députés des prêtres, des bourgeois et des paysans, et dans l’intervalle ils allèrent bien dîner, ce qui ne contribua pas peu à imprimer au vote définitif et à l’acclamation commune, quelques heures après, une retentissante unanimité. Quatre heures sonnaient au moment où les représentans des quatre ordres, tous les chapeaux jetés en l’air, s’écriaient : « Vive le roi Charles XII ! » Les régens apportaient leur démission, la reine douairière renonçait à toute résistance; les dernières dispositions de ce même Charles XI qui avait achevé en Suède l’édifice de l’absolutisme étaient mises à néant par un jeune roi qui allait substituer à toute loi sa seule volonté.

Aux termes de l’ancienne constitution et suivant l’usage traditionnel, tout avènement royal devait être accompagné de certaines cérémonies. En échange du serment prêté par les sujets au nouveau roi, celui-ci devait prononcer un serment solennel qu’on appelait l’assurance royale. Il devait ensuite recevoir la couronne et l’onction sainte des mains de l’archevêque d’Upsal, primat du royaume. Charles XII se refusa le premier à tant de conditions. Il reçut le serment de ses sujets, mais ne voulut pas donner l’assurance royale. Il accepta l’onction, afin que les prêtres pussent continuer à exiger au nom du ciel toute obéissance envers « l’oint du Seigneur; » mais il ne voulut recevoir d’aucune main la couronne. Dès le commencement de la cérémonie du sacre, montant à cheval pour se rendre au temple, il avait le sceptre en main et la couronne au front; elle lui tomba de la tête en ce moment, à son grand dépit et comme en châtiment de son orgueil : tout le peuple en fit la remarque. Au