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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/395

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Görtz aurait sans doute observées. La ruine du royaume, déjà si avancée, ne faisait que se précipiter encore; Görtz, une fois Charles disparu, tomba victime, non pas seulement, comme on l’a dit, de la vengeance d’Ulrique-Éléonore et de son mari le prince de Hesse, frappant en lui le partisan d’un rival, mais bien plutôt de tous les ressentimens qu’avait laissés dans ce malheureux pays le règne de son maître. L’héroïsme de Charles XII détournait de lui la haine publique malgré ses déplorables fautes : elle retomba tout entière sur celui qu’il avait si singulièrement choisi pour favori et pour ministre. Le procès de Görtz et sa mort sur l’échafaud furent iniques sans doute, mais il avait lui-même commis jadis, au profit de son ambition, des iniquités. L’histoire lui devrait-elle tenir compte de quelque sincère dévoûment dans ses dernières années aux intérêts de la Suède et de son roi? a-t-il démenti de la sorte sa précédente conduite? Cela est fort incertain, et nous ne voyons pas que jusqu’à présent les livres même les plus nouveaux, français ou suédois, répondent clairement sur ce sujet.

Si Voltaire nous a paru imparfaitement instruit sur des problèmes difficiles, que les écrivains plus modernes n’ont pas élucidés, nous le retrouvons très bien informé sur le genre de mort de Charles XII ; c’est à grand tort qu’on s’est éloigné souvent de son récit, auquel il faut revenir aujourd’hui. Charles n’est pas mort assassiné : on a vainement accusé de ce prétendu crime et des Suédois et des Français. Voltaire, témoin du chagrin que causait à un de ses compatriotes, Siquier, cette accusation dirigée contre lui, fit son enquête, et affirma que le roi de Suède avait été frappé à la tête par un biscaïen venu de la forteresse ennemie. C’est là en effet la vérité. Le 31 août 1859, en présence du roi Charles XV et de son frère le prince Oscar, la sépulture de Charles XII a été ouverte, et l’examen du crâne n’a laissé dans l’esprit des hommes de science nulle incertitude à ce sujet.

En résumé, quelles critiques avons-nous pu adresser au Charles XII de Voltaire après une patiente étude sur les documens qu’il n’a pu connaître? Fallait-il parler des menues différences dans le récit? mais l’impartiale et complète enquête que nous a offerte sur ce sujet la littérature suédoise témoigne qu’il est impossible d’arriver à la certitude sur cent points de détail, tels que les chiffres des armées ou des blessés et des morts à la suite des batailles. Quant aux lacunes, elles ne sont de réelles fautes que lorsqu’elles ont pour effet d’altérer ou d’amoindrir l’impression générale. À ce double titre, nous en avons noté quelques-unes. Quelques détails de plus sur les premières années eussent initié le lecteur dès le commencement à certains traits du caractère de Charles XII et à certain as-