Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus austère. En racontant avec un soin si délicat la pénitence de la comtesse Irma, il a voulu peindre une Madeleine ou une La Vallière du panthéisme.

Lorsque parurent en 1680 les Réflexions sur la miséricorde de Dieu, écrites par la duchesse de La Vallière, l’auteur de l’avertissement, après avoir recommandé le livre à ceux qui auraient péché comme la noble pénitente, terminait son homélie par ce verset de la Bible : Inspice et fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est. On dirait que M. Berthold Auerbach s’est souvenu de ces paroles; c’est aussi sur la montagne, au plus haut des hautes cimes, qu’il a montré à tous l’exemple de son héroïne purifiée par le repentir. Le tableau est vraiment poétique. L’auteur, qui avait déployé la passion la plus vive dans le récit de sa chute, a réservé pour la peinture de la réhabilitation toutes les délicatesses de son pinceau, toutes les ressources de sa science psychologique. Vêtue des habits les plus simples, enfermée dans une bergerie des sommets alpestres, condamnée volontairement aux travaux de l’étable, celle qui naguère éblouissait la cour par son esprit autant que par sa beauté, ne songe plus qu’à se réconcilier avec elle-même. Elle aussi, comme la sœur de la Miséricorde, elle écrit ses réflexions. Nous avons son journal sous les yeux; ce sont les prières et les litanies du panthéisme. Etranges litanies, prières bizarres; c’est au grand tout, à l’harmonie universelle, à l’infini du cosmos, que s’adressent les élans de cette âme en peine. Avec quel sentiment profond elle décrit les impressions de ces merveilleux spectacles! « Il y a des heures, écrit-elle, où il me semble que je suis dans un sanctuaire. » Et plus loin : « Chaque jour, quand reparaît la lumière, j’assiste à la création éternelle. » L’éternel, l’infini, les forces incommensurables et l’ordonnance majestueuse de l’univers, voilà ce qui entretient son extase. C’est par une sorte de communion avec ce dieu sans conscience qu’elle s’efforce de racheter sa faute, elle qui a manqué de force et transgressé la loi. Elle se réjouit de ne voir que cette immensité de l’espace, où s’accomplissent sans déviation aucune les mouvemens éternellement prescrits. Associée à cet ordre sublime par l’admiration et le respect, elle éprouve un frisson qui renouvelle son être. Une sérénité triomphante succède peu à peu à sa désolation. L’art du conteur est si habile, sa poésie est si pure, son émotion si sincère, qu’on a grand’peine d’abord à y résister. Bientôt cependant la conscience réclame : est-ce bien là le redressement intérieur que vous annonciez? Irma ne se relève que pour s’anéantir, elle ne se purifie que pour se perdre dans une extase inerte. Ce qu’elle a cherché dans la solitude, ce ne sont pas des forces nouvelles pour combattre, c’est