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cette carrière de la politique où il était fait pour briller. Ce n’est point à tous ceux qui l’ont suivi si longtemps de leurs sympathies dans ces pages où il prodiguait l’éclat de son talent, ce n’est point à ceux-là que nous pouvons dire ce qu’il y avait dans cette nature de dons heureux, de raison ferme et sensée, de verve ingénieuse et piquante, d’élévation unie à la connaissance précise des affaires. Eugène Forcade était certainement un des esprits politiques les mieux doués, une des intelligences les plus libérales de notre temps. Il avait le goût, le culte, le sens pratique de la liberté, et cette liberté qu’il revendiquait sans cesse lorsqu’elle avait moins de défenseurs qu’aujourd’hui, il ne la séparait pas du patriotisme, du vif sentiment de la grandeur de la France. On l’a bien vu il y a trois ans, en 1866, à cette passion généreuse avec laquelle il faisait une campagne où il ne trouvait pas malheureusement notre politique officielle pour complice. Il avait l’amour du pays et de ses traditions dans les affaires extérieures, comme il gardait sa foi à la liberté dans la politique intérieure.

Que lai a-t-il manqué pour accomplir sa destinée, pour prendre rang parmi les hommes publics d’élite ? des circonstances plus favorables. Eugène Forcade a été d’une certaine façon une des victimes de son temps. Et qu’on ne voie pas dans ce mot une récrimination vulgaire ; nous voulons dire simplement qu’il a été d’une génération venue à la mauvaise heure, qui s’est vue comprimée, refoulée par les événemens de 1848 et de 1851 à l’âge où la carrière allait s’ouvrir devant elle, qui a été brutalement condamnée à se replier pendant des années en elle-même au milieu des obscures épreuves du silence et de l’inaction publique. Dans des conditions plus heureuses, au milieu de ces généreuses émulations de la politique qui sont à la fois un stimulant et un frein, Eugène Forcade ne serait pas resté plus fidèle aux cultes de sa jeunesse libérale ; mais il eût donné plus complètement sa mesure, il eût déployé sa nature intelligente, cordiale et sensée, et, avec un noble but toujours présent devant lui, il serait sans doute resté à l’abri de ce qui l’a tué. On croit que ce n’est rien qu’une génération perdue dans la vie d’un pays ; c’est justement cette génération qui manque aujourd’hui, et, à voir comment vont les choses, elle n’est point avantageusement remplacée par ceux qui crient sans avoir porté le poids de nos luttes patientes, par tous ceux qui sont occupés à compromettre ce que Forcade et tant d’autres ont passé des années à regagner. ch. de mazade.




REVUE DRAMATIQUE.
FROUFROU AU THÉÂTRE DU GYMNASE.

L’automne de l’année a toujours été le printemps des théâtres, et la saison qui voit se flétrir les feuilles voit aussi éclore les pièces nou-