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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/516

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plan d’études, Mercator l’exécuta en grande partie; il ne fut arrêté dans son œuvre que par la mort. Nouvel Atlas, il portait sur ses seules épaules, comme il le dit, « la fabrique du monde. » On se figure sans peine combien d’études, de dépenses, de peines de toute sorte durent lui coûter ces nombreuses cartes rassemblées, discutées, corrigées, redressées et finalement gravées par lui. Ses travaux cartographiques eurent d’ailleurs un succès croissant avec les années; le grand et le petit Atlas de Mercator (c’est le nom qu’il avait choisi pour ces ouvrages) ont été publiés en langues latine, française, allemande, flamande et turque, et ont eu ensemble cinquante éditions connues.

Le pays de Waas, fier à juste titre d’avoir produit ce grand géographe, songe aujourd’hui à lui élever une statue à Rupelmonde, sa ville natale. À cette occasion, M. van Raemdonck a publié une nouvelle biographie de Mercator qui est un vrai monument d’érudition. On y trouve les recherches les plus minutieuses sur la famille de l’illustre Flamand, dont le nom primitif de Kremer, qui signifie le Mercier, a été latinisé et changé en celui de Mercator. L’auteur nous montre son héros, fils d’un pauvre cordonnier, grandissant dans une ferme, puis étudiant à cette université de Louvain qui était déjà l’une des plus fréquentées et les plus florissantes du monde. Lorsqu’il eut pris ses grades et qu’il essaya de tirer parti de sa science, il s’aperçut bien vite que la philosophie ne le ferait pas vivre. Il résolut bravement de devenir fabricant d’instrumens mathématiques et dessinateur de cartes. Cette carrière modeste, qu’il ne devait plus abandonner, le conduisit à la fortune et à la gloire, mais non sans tribulations et difficultés de toute sorte. Mercator se mit donc à construire des sphères terrestres, des sphères célestes, des instrumens d’astronomie et d’arpentage; il levait les plans de propriétés particulières, il dessinait des cartes géographiques, les gravait et les enluminait de ses propres mains. Recommandé à Charles-Quint par le chancelier Granvelle, il fut chargé d’exécuter pour l’empereur une foule d’instrumens dont ce dernier voulait se servir dans ses campagnes, et ses relations lui furent dans la suite d’une grande utilité. Il fonda sa réputation comme géographe par la publication d’une excellente carte de la terre sainte, qui parut en 1537, et qu’il avait composée en discutant avec soin les matériaux fournis par les voyageurs. La carte de Flandre, qu’il publia trois ans plus tard, reposait entièrement sur ses propres observations. Muni de ses instrumens et armé du bâton de voyage, Mercator avait parcouru la Flandre du nord au sud, de l’est à l’ouest, visitant les villes et les villages, traversant les plaines et les bois, longeant les cours d’eau, gravissant les hauteurs, mesurant, dessinant et notant tout ce qui devait servir à la description du pays; il avait subi bien des privations et bravé bien des dangers lorsqu’il revint à Louvain pour s’y livrer à la composition de son chef-d’œuvre. La grande carte de la Flandre et celle de la Palestine ont eu le même sort : il n’en