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larmes du cœur lavent les plus grands crimes. Ne désespère pas, mon fils ; tu peux te racheter par la douleur, fléchir Dieu par l’amour, le glorifier par la confiance…

LUPO.

Mon père ! mon père bien-aimé ! j’ai mérité les éternels supplices, ils ne sont rien pour moi au prix de ce que je souffre en vous voyant mourir de ma main. Dieu bon. Dieu juste, que je n’ai jamais su prier, fais qu’au séjour des justes mon père oublie que je suis né ! fais qu’il soit heureux, et je ne te reprocherai pas mon châtiment. Et toi, Satan, que j’ai servi sans m’en rendre compte, fais de moi ce que tu voudras. Je te défie de me faire autant de mal que ne m’en fait ce cœur d’airain en se brisant dans ma poitrine.

SATAN.

Viens, ton père n’est plus, et il est sauvé. Tu as encore du temps à vivre. Je te verserai, dans les combats et les plaisirs, le breuvage de l’oubli.

LUPO.

Mon père !… (nie baise au front.) plutôt quc de t’oublier un jour, une heure, je m’élance dans l’abîme où il n’y aura plus pour moi qu’expiation et désespoir. (Il veut se percer de sa dague.)

LE PETIT BERGER, paraissant et l’arrêtant.

Jette cette épée, prends ton père et suis-moi sous le chaume avec lui.

LUPO.

Lui rendrais-je la vie et le bonheur ?

LE BERGER.

Rien n’est impossible à l’amour. (Lupo et Roland emportent Liverani. — Ils sortent.)



Scène XII.

ANGELO, SATAN.
ANGELO.

Je reconnais cet enfant, un rayon divin resplendit sur son front… C’est un ange ou le Sauveur en personne !… Et toi, maudit, tu ne saurais lutter contre lui ! arrière ! je ne te crains plus. Je me repentirai, je retournerai au désert, et je m’imposerai de telles pénitences, je m’infligerai de tels supplices que je ferai mon enfer moi-même en ce monde pour me racheter dans l’autre, (u s’enfuit.)

SATAN, riant.

Retourne à l’ermitage ; tu y trouveras le spectre sanglant de la courtisane, et tes remords auront tous la figure de la peur. J’irai encore te rendre visite. C’est au désert que je règne sur celui qui n’aime que lui-même. Va, invente des supplices pour ton corps, et persiste à croire que le sang est plus agréable à Dieu que les larmes. Je t’aiderai à dessécher ton cœur et à développer par de fécondes imaginations le précieux germe de férocité qui fait les savans exorcistes et les inquisiteurs canonisés. Ceci est l’amen du diable, messeigneurs les hommes !

George Sand.