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confins; celles-ci en effet, quoique enveloppées de tous côtés par le territoire d’un régiment, n’en font point proprement partie. Elles sont bien soumises à certaines servitudes fort gênantes : ainsi à Brod, sur la Save, je m’étonnais de voir des rues entières bordées de maisons en bois ou plutôt de masures qui doivent, au moindre accident, flamber comme paille ; on me répondit que, dans tout le rayon de la forteresse, le génie ne permettait pas de construire en pierre. A cela près, les citadins ont l’administration, la loi civile, et ne sont pas incorporés dans l’armée; ils n’ont donc ni les charges ni les privilèges du Gränzer. Au point de vue où s’est placé le législateur, ces entraves apportées au droit d’acquérir la propriété foncière se justifient d’elles-mêmes.

Par exception, des étrangers peuvent parfois être admis à acquérir des terrains sur le territoire des confins pour y installer une usine ou pour y établir des magasins. Dans ce cas, c’est l’intérêt des soldats-paysans que l’on a consulté, et c’est pour leur être utile que le colonel a donné l’autorisation nécessaire. Les prêtres, les employés et les officiers ne peuvent avoir en propriété qu’une maison d’habitation et un yoch (57 ares) de terre pour jardin. Les officiers vivent de leur solde. Sujets à passer de l’armée des confins dans l’armée de ligne et réciproquement, ils ne reçoivent pas de terres à titre de fief militaire; seulement ils profitent de certains avantages qui tiennent aux conditions particulières où ils se trouvent ici, et c’est ce qui décide beaucoup d’officiers, surtout ceux qui n’ont pas chance d’arriver aux grades supérieurs, à faire toute leur carrière dans l’armée des confins. Ainsi, dans ces villages et dans ces petites villes où ils sont à la fois commandans militaires, administrateurs et juges, ils sont logés, et ils ont la jouissance d’un jardin et d’un verger, La construction et la réparation de ces habitations, la culture de ces parcelles de terre, sont au nombre des charges imposées aux gens de la frontière, des prestations qu’ils doivent à l’état. Les sous-officiers continuent à compter parmi les paysans cultivateurs et à vivre de leur vie. Les commerçans autorisés à s’établir dans la circonscription et ceux qui y exercent des professions libérales, comme les médecins et les professeurs, sont limités à trois yochs. Aux uns et aux autres, il est expressément défendu de prendre des terres à bail. Il n’est fait d’exceptions que pour les vignes, et encore la loi détermine-t-elle la quantité d’arpens qui pourra être ainsi louée.

Il fallait éviter un trop grand morcellement du sol et assurer pour toujours à chaque famille les moyens d’entretenir les hommes propres au service. A cette fin, la fortune immobilière, dans les confins, a été divisée, pour chaque maison ou « communauté » (Communitat), en « biens de fondation » (Stammgut) et « biens