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noblesse territoriale, ni de droits seigneuriaux; les nobles des provinces voisines qui servaient comme officiers dans les régimens de la frontière n’y possédaient aucun privilège particulier. Aussi la condition du soldat-paysan de la frontière pouvait sembler meilleure que celle du paysan hongrois, croate ou slavon. Celui-ci en effet n’avait pas sur le sol un droit permanent et héréditaire : il dépendait des grands propriétaires, qui n’étaient point engagés envers lui et contre qui il n’avait pour ainsi dire aucun recours.

Après la grande secousse de 1848, tout était bien changé dans le territoire civil : partout les seigneurs terriens, indemnisés par la province, avaient abandonné en toute propriété aux paysans, leurs anciens tenanciers, une portion du sol; les corvées et autres droits seigneuriaux étaient abolis. D’autre part, les soldats des frontières avaient rendu à la maison de Habsbourg des services signalés; près de 50,000 d’entre eux, conduits par le Croate Jellachich, s’étaient jetés sur les Hongrois et avaient ainsi dégagé Vienne; en Italie, sous Radetzky, 30,000 avaient combattu pour conserver Milan et Venise à l’empereur. On voulut donc paraître faire quelque chose pour les fidèles sujets des confins, et en 1850 une nouvelle ordonnance déclara que le gouvernement leur abandonnait « en pleine et entière propriété » (als wahres, beständiges Eigenthum) les terres dont ils n’avaient eu jusque-là que « l’usufruit » (Natzigenthumsverhältniss). C’était là ce que contenaient les articles 10 et 11 de la loi; mais l’article 12 avait soin d’établir qu’à « la possession de biens fonciers dans les confins est attachée l’obligation du service militaire, et que par conséquent quiconque devient d’une manière ou d’une autre propriétaire de ces biens accepte par là même cette obligation. » Une telle condition misa à la jouissance rendait illusoire la concession que le gouvernement faisait sonner bien haut. Rien n’était changé en réalité à la situation du confiniaire. Son titre ancien, transmissible à perpétuité, valait son titre nouveau. Les articles 2 et 70 pouvaient aussi paraîtra importans; ils reconnaissaient que les confins faisaient légalement partie des provinces limitrophes, et promettaient de pourvoir à leur représentation dans les diètes. Ils restèrent l’un et l’autre à l’état de lettre morte. Nous pouvons donc revenir sans crainte à la loi de 1807, la seule qui n’ait pas contenu de ces menteuses promesses.

C’est essentiellement sur la culture du sol que repose l’institution des confins. Or, d’après la loi organique qui les régit, le droit d’acquérir et de posséder des terres dans ce district n’appartient qu’à celui qui est déjà établi sur le territoire militaire. Les habitans des provinces civiles limitrophes ne peuvent prétendre à l’exercice de ce droit, non plus que les citoyens des villes mêmes situées dans les