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L’autorité, qui empêche ainsi que l’on ne change la destination du sol, ne veille pas avec moins de soin à ce qu’il ne reste pas stérile : comme elle lutte contre ce qui lui semble de dangereux caprices, elle interdit aussi la paresse. Lorsqu’une terre est demeurée inculte trois ans de plus que ne l’exige le système d’assolement en usage dans le pays, le propriétaire reçoit un avertissement, et on lui accorde encore un délai d’un an. S’il n’en profite pas pour faire cesser la jachère, il est déclaré déchu de son droit, et le terrain est attribué gratuitement à une autre famille. Si pourtant ce champ fait partie du Stammgut ou bien patrimonial, on n’y touche pas, pour ne point diminuer la dotation héréditaire de la famille; mais on distrait une part équivalente de l’Ueberland ou excédant de biens. Celui qui n’est pas capable de mettre en valeur toute la terre qui lui est assignée comme nécessaire à l’entretien de sa famille n’a pas besoin de ce superflu, qui ne peut que l’embarrasser. Si déjà, pour une cause ou pour une autre, tout l’excédant a disparu avant de toucher au a bien de fondation, » on emploie contre les délinquants, pour les guérir de leur paresse, des moyens coercitifs, la prison et le bâton.

Ainsi la pensée qui domine toute cette « loi foncière des confins, » c’est l’attribution à chaque famille et le maintien dans cette famille d’une parcelle de terre qui doit rester intacte, et dont le revenu garantit l’entretien régulier du soldat. L’étendue de ces parts varie suivant les cercles ; chacune d’elles comprend toujours un yoch pour maison, cour et jardin, et un nombre de yochs en terres arables qui suffise à nourrir une nombreuse famille. Pour arriver à ce résultat, il est besoin de moins d’espace, cela va de soi, dans l’humide et gras banat de Temesvar, ce grenier de la Hongrie, qu’en Croatie, sur les lianes rocheux des Alpes-Dinariques. L’autorité a composé les lots dans chaque district d’après la valeur productive du sol. Ils sont assez vastes pour être divisibles; telle famille qui ne dispose que de peu de bras n’aura qu’un demi-lot, parfois même un quart de lot; telle autre, un de ces groupes d’associés dont nous allons parler, réunira entre ses mains deux ou trois parts. Quant aux vastes forêts que renferment les confins, surtout en Slavonie et en Croatie, elles appartiennent toutes à l’état; mais elles sont grevées de servitudes au profit des paysans : ceux-ci y conduisent leurs troupeaux à la glandée, ils y trouvent le bois de chauffage dont ils ont besoin, ils y prennent,. sous le contrôle des officiers, le bois de charpente qui leur est nécessaire.

On ne saurait certes rien imaginer de plus ingénieusement combiné, pour empêcher l’extrême morcellement du sol ou la concentration de la propriété en un petit nombre de mains, que cet ensemble de prescriptions ; tout a été calculé avec une prévoyance et