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cette opinion, qui n’en trouva pas moins créance dans la science. Elle se justifie par les déformations graduelles que subit une tache entraînée dans le mouvement de rotation du soleil. On y distingue en effet deux parts, quand elle se montre dans son plein : un centre tout à fait noir, qu’on appelle le noyau, et tout autour un cercle moins obscur, la pénombre, ordinairement bordé sur ses contours extérieurs par une zone lumineuse où brillent des points, nommés facules, qui ont un éclat tout particulier. Les apparences ne seraient pas autres si on supposait la photosphère étincelante, percée d’une sorte de cratère aboutissant à une sphère solaire inférieure obscure, ou paraissant obscure par comparaison. On a cru voir la preuve de cette disposition cratériforme dans le mode de disparition des parties noires du noyau et des parties moins sombres de la pénombre. Hâtons-nous de dire que les taches sont bien loin d’avoir la simple et symétrique figure dont cette description sommaire donne l’idée. Rien n’est en réalité plus complexe ni plus fugace. Il semble que de toutes parts la matière brillante de la photosphère se précipite vers la tache en véritables langues de feu ; les facules brillantes dardent en tout sens vers la tache ; pressées sur tous les bords, quelques-unes se détachent comme des navires qui prennent la mer, et peu à peu se dissolvent dans la mystérieuse obscurité. Des ponts lumineux sont jetés à travers, la pénombre comme des arches gigantesques. D’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, ces apparences étranges se modifient, les filamens lumineux s’enchevêtrent, les ombres s’épaississent ou s’éclaircissent ; plus on contemple ces figures mobiles, moins on se sent porté à y voir l’image d’un cratère, d’un gouffre aux parois rapides, semblable à ceux qui s’ouvrent au sommet d’un volcan. L’esprit est porté naturellement vers d’autres conceptions ; le spectacle qu’il cherche à interpréter fait songer à une atmosphère toujours en mouvement, remplie de brouillards qui tantôt se condensent et tantôt se séparent. Si l’on pouvait à une distance assez grande de la terre apercevoir les couches nuageuses qui l’enveloppent, il semble que les vagues arrondies, éclairées du soleil, ressembleraient aux facules, les intervalles aux taches.

Sir William Herschell croyait le corps du soleil sombre, assez froid pour être habitable, enveloppé d’une couche de lumière, espèce de brouillard ardent à travers lequel des matières éruptives perçaient ces immenses trous que nous appelons les taches. Cette opinion est aujourd’hui abandonnée. M. Faye a récemment proposé la théorie suivante sur le soleil : au centre et dans tout l’intérieur de la photosphère, il y aurait une matière douée d’une température extrêmement élevée, mais d’un pouvoir rayonnant très faible. On sait qu’à une certaine température les corps se dissocient, les atomes