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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/602

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une tache, on voit le ruban du spectre traversé d’une longue bande ombrée qui correspond à la partie assombrie, et, chose bien digne de remarque, dans toute l’épaisseur de cette zone sombre, les lignes noires de Fraunhofer s’enflent, se dilatent. Une tache est donc une zone où l’absorption des vibrations lumineuses est particulièrement énergique : plus la tache est sombre, plus cette absorption est puissante. C’est une absorption élective qui s’applique surtout aux vibrations qu’arrête toujours la couche externe de la photosphère. Les choses se passent comme si, dans la région des taches, la photosphère externe avait une plus grande énergie absorbante, comme si la photosphère était localement refroidie, ce qui entraînerait une augmentation du pouvoir absorbant. Les taches, en suivant cette hypothèse, seraient des régions où le soleil serait comme touché par une cause de froid, ainsi qu’un boulet rougi sur lequel on appliquerait une pointe de métal. Mais d’où viendrait ce froid extérieur ? (Il faut toujours se souvenir en parlant du soleil que ce mot de froid a ici un sens tout relatif, et s’applique à des températures plus élevées que tout ce que nous connaissons.) M. Lockyear imagine que les immenses colonnes d’hydrogène ardent, dont le jet forme les protubérances, se refroidissent rapidement dans le vide planétaire, et qu’en retombant refroidies elles peuvent jouer le rôle d’un réfrigérant sur des régions immenses de la photosphère. Les protubérances et les taches ne seraient autre chose que des courans ascendans et descendans, semblables à ceux qu’on observe dans un vase qui contient de l’eau en ébullition.

Ce problème des taches solaires n’a jamais encore pu être pénétré. Les astronomes modernes n’en savent guère plus que n’en savaient déjà Galilée et le père Scheiner, qui dut demander à son supérieur ecclésiastique la permission de publier ses observations, si peu conformes à la doctrine aristotélique de l’immutabilité et de l’incorruptibilité des cieux. Avec les pauvres instrumens dont ils disposaient, Galilée et Scheiner découvrirent le mouvement des taches à travers le disque solaire dans le sens de l’orient à l’occident, calculèrent la période de ce mouvement rotatoire, reconnurent que les taches changent de jour en jour d’aspect, qu’elles se montrent surtout dans deux zones également distantes de l’équateur, l’une au nord, l’autre au sud. Pendant près de deux siècles, on n’en sut guère davantage. Du premier coup, on avait arraché au soleil un grand nombre de secrets, puis on ne trouva plus rien, et longtemps on sembla renoncer même à en apprendre davantage.

C’est en 1769 seulement qu’un astronome anglais, Wilson, de Glasgow, reprit l’étude des taches solaires : il annonça que celles-ci étaient des cavités ouvertes dans la photosphère. Lalande combattit