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nations sont en effet à cet endroit si bien enchaînés les uns aux autres, — nous avons fini par le comprendre, — que l’abaissement des uns ne sert qu’à l’abaissement des autres. Le monopole est funeste même à ceux qui en sont investis. A plus forte raison avait-on résolu de ne point s’occuper des questions de personnes, toujours irritantes. L’élément religieux et l’élément laïque, ces deux frères ennemis, étaient en présence ; auteurs, inventeurs, promoteurs de méthodes, directeurs d’écoles à l’étranger, artistes, producteurs industriels, écrivains, professeurs, instituteurs de la doctrine chrétienne, se trouvaient réunis. Avec un remarquable accord, malgré certaines différences de point de vue, tous n’avaient qu’un désir, trouver ce qu’on doit faire pour la diffusion de l’art à tous les degrés, depuis l’école de village jusqu’aux établissemens supérieurs d’instruction. Les débats étaient conduits par M. Louvrier de Lajolais, qui l’année précédente, à peu près à pareille époque, était intervenu au congrès de l’enseignement des arts du dessin à Bruxelles. Il est permis de le constater, c’est grâce aux membres du bureau, c’est grâce à leur activité, à la fermeté cordiale du président, que le congrès a dû de ne point s’éloigner de l’objet qu’il avait en vue, d’écarter toute discussion oiseuse ou blessante, et d’assurer courtoisement à chacun la mise en lumière de ce qu’il avait à dire.

Tout d’abord on a voulu rechercher quelles sont les tendances de la production moderne dans l’industrie d’art. Plusieurs de ceux qui les proclament fâcheuses et funestes en attribuent la cause soit à l’ignorance de l’artisan, soit à l’excessive division du travail. Tel ouvrier est employé à une pièce, tel autre à celle qui s’y ajuste, sans que le premier ni le second soient capables de concevoir ni d’ajuster l’ensemble. Chacun se voit confiné dans un cercle étroit : aussi le sentiment général de l’œuvre manque à tous ces hommes dont le but est collectif, mais l’effort isolé. L’artisan n’a pas imaginé, il n’a pas esquissé le dessin ; il n’a pas tenu dans ses mains la matière vierge pour la façonner à son gré. On ne peut lui demander de s’éprendre d’amour pour ce qu’il n’a pas conçu ; il se sépare de plus en plus de l’artiste ; il reste l’ouvrier, l’homme du travail manuel, sans style, et, il faut bien le dire, sans idées. Il est préoccupé avant tout du détail ; il reste subordonné de tout point au dessinateur, qui ne peut expliquer toute la besogne, et plus encore au fabricant, lequel n’a en vue que ce qui plaît au public et ne songe pas à diriger le goût de la foule. Or ce goût, au dire de quelques-uns, devient de plus en plus mauvais. On touche par ce côté à la grande querelle entre les anciens et les modernes.

Dans l’Orient, que la machine n’a point encore envahi, où les