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refondre pour la faire entrer dans les échanges de peuple à peuple. Il n’y a donc pas la contradiction qu’on imagine. La pièce de 25 francs, type de la nouvelle unité monétaire, ne sera pas la pièce française actuelle ; elle lui sera supérieure du montant du droit de fabrication proposé, c’est-à-dire de 1 pour 100.

Voyons maintenant une autre objection ; celle-là émane d’un homme considérable et dont le nom fait autorité en matière de finance. Elle est d’une nature toute spéciale, et, si elle avait le fondement qu’on suppose, elle suffirait pour condamner le projet. Lord Overstone, dans une lettre qu’a publiée le Times, fait ce raisonnement : — Il n’y a pas à s’occuper de savoir si le souverain abaissé d’un certain poids acquerra ou non une plus-value proportionnelle au droit de fabrication. C’est de la théorie, et elle est au moins douteuse ; ce qui est certain, c’est que l’état ne peut rien changer à la monnaie. Lorsque j’ai contracté avec une personne, celle-ci a pris vis-à-vis de moi, si je suis créancier, l’engagement de me payer en monnaie représentée par un certain poids d’or avec un titre déterminé. Je dois recevoir ce poids au titre voulu, quoi qu’il arrive, et vous ne pouvez pas me frustrer d’une partie. Vous me dites, en diminuant le poids, que je recevrai la différence en plus-value ; mais c’est une affaire d’appréciation et au moins un risque à courir : vous né pouvez pas m’y exposer. Si vous le faites, vous changez les conditions de mon contrat. — Dans cet ordre d’idées, on est même allé jusqu’à invoquer des précédens législatifs, jusqu’à rappeler des déclarations de la chambre des communes portant que l’étalon monétaire serait toujours conservé dans son poids, son titre et même avec sa dénomination.

On le voit, la question n’est pas aussi simple qu’a paru le croire M. Lowe : il n’avait pas prévu toutes ces objections ; autrement il se serait appliqué à les réfuter, ne fût-ce que pour dégager le terrain des premières difficultés. La principale, à notre avis, n’est pas la question de droit soulevée par lord Overstone. On a beau dire qu’on a contracté en vue de recevoir une quantité déterminée d’or, celle qui résultait de l’état actuel de la circulation métallique, et qu’il n’est pas permis au gouvernement de rien changer à cet état, ce qui modifierait la situation respective des parties ; la question ne se pose pas d’une façon aussi rigoureuse. Quand on contracte avec quelqu’un et qu’on stipule une certaine somme pour le paiement, c’est moins en vue du poids métallique représenté par cette somme que de la valeur qu’elle aura réellement. Or si, malgré la diminution du poids, il n’y a rien de changé dans la valeur, si on doit recevoir toujours exactement ce qu’on était en droit d’attendre, c’est-à-dire une monnaie ayant la même faculté d’acquisition par rapport aux autres