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approvisionner de numéraire achète des métaux précieux ; si ceux-ci tombent au-dessous du tarif ou ne le dépassent pas, l’établissement achète et fabrique de la monnaie ; s’ils le dépassent, il s’arrête. Nous ne croyons donc pas que l’état soit en mesure d’abuser, malgré l’intérêt qu’il aurait à prélever son droit de 1 pour 100. On dit, il est vrai, que la fraude pourrait exister. Ce serait en effet une grande tentation qu’un bénéfice de 1 pour 100, d’autant plus qu’il ne s’agirait pas de faire de la fausse monnaie, mais tout simplement d’imiter le coin de l’état et de fabriquer au même poids et au même titre que lui. C’est ici une affaire de police : l’état sait déjà se défendre dans l’exercice de plus d’un monopole ; il ne lui serait pas plus difficile de se protéger dans l’exercice de celui-ci.


III

Ce qui nous frappe, quant à nous, ce sont des difficultés d’un autre ordre. D’abord on n’est pas sûr d’amener tous les gouvernemens à adopter un droit aussi élevé sur la fabrication de la monnaie. Ceux qui aujourd’hui ne demandent qu’un 1/5 ou 1/4 pour 100, — car le délai de fabrication ne doit pas être compté, attendu qu’il devrait exister encore après la réforme, sous peine de la rendre insuffisante, — ces gouvernemens-là trouveraient peut-être excessif d’augmenter tout d’un coup le droit de 3/4 pour 100. Et si on admet qu’ils y consentent, en vue des avantages de la monnaie internationale, on est placé immédiatement en face d’un autre dilemme beaucoup plus rigoureux que ceux que nous avons déjà indiqués. Que fera-t-on de la monnaie nationale, de celle qui ne doit pas traverser les frontières et qui est obligée de rester à l’intérieur ? La soumettra-t-on aux mêmes droits de fabrication que la monnaie universelle ? Ce serait injuste, car, n’ayant pas les mêmes avantages, elle ne pourrait avoir la même plus-value ; elle se déprécierait nécessairement ou plutôt on n’en fabriquerait plus, ce qui gênerait beaucoup les transactions particulières dans chaque état, et rendrait la transition difficile vers l’unité monétaire. Si on la laisse au contraire avec son droit de 1/5 ou 1/4 pour 100, tandis que l’autre paiera 1 pour 100, il est à craindre qu’elle ne soit recherchée à cause de sa valeur intrinsèque, supérieure à celle de la monnaie internationale, qu’elle n’entre en concurrence avec celle-ci, qu’elle ne lui soit même préférée ; alors nous retomberions dans tous les inconvéniens du système actuel, nous n’aurions d’unité monétaire que pour la forme. Cette difficulté est très grave, et nous n’en connaissons pas de plus sérieuse pour empêcher la réalisation du plan de M. Lowe. Déjà aujourd’hui notre propre monnaie, nos pièces de 10 et 20 francs sont