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actuel, il est difficile de ne point convenir que sa satisfaction est légitime. Nous ne voyons pas que la psychologie française puisse citer des études de cette valeur, il nous semble que l’Allemagne, si savante d’ailleurs, si féconde en œuvres d’un autre genre, n’est guère plus en mesure de disputer le prix à l’Angleterre de nos jours. Chez nos voisins d’outre-Rhin comme chez nous, c’est encore le mouvement historique qui domine dans les études de philosophie morale.

Mais si l’on veut parler de la psychologie de notre siècle, la France compte des travaux qui ne le cèdent en importance et en originalité à aucun des livres que l’Angleterre et l’Ecosse ont produits de tout temps. Nous ne savons pas de noms plus justement connus dans les annales de la psychologie contemporaine que les noms de Maine de Biran, Jouffroy, Damiron, Garnier, et d’autres encore portés par des philosophes vivans. Il y aurait à faire tout un livre d’analyse et de critique sur l’ensemble des travaux psychologiques dans les deux pays ; on y pourrait rechercher qui a la meilleure part, de l’esprit anglais ou de l’esprit français, dans la constitution, l’organisation et les progrès de la science de l’homme, qui a le plus fait pour cette science, des profondes et larges descriptions des philosophes français, ou des ingénieuses observations, des subtiles analyses des philosophes anglais. Nous nous bornerons, dans cette étude, à définir les méthodes, à signaler les tendances générales, à indiquer les conclusions des diverses écoles qui se sont partagé le travail psychologique de notre époque, en tâchant de faire ressortir comment chacune d’elles a servi la science à sa façon. Des esprits de haute portée et d’une grande puissance de dialectique peuvent s’égarer dans le domaine des spéculations métaphysiques sans profit pour la philosophie elle-même, parce qu’ils sont dupes d’abstractions verbales, et que la réalité se dérobe parfois sous leurs pieds ; mais quand des esprits aussi attentifs, aussi sagaces, aussi pénétrans que les psychologues dont nous venons de parler, explorent une réalité positive, bien que d’une observation délicate et difficile, il est impossible qu’il n’y ait pas quelque chose de vrai et d’instructif dans leurs analyses et leurs explications, quel que soit d’ailleurs le point de vue auquel ils se placent.


I

Il y a différentes manières d’étudier l’homme. On peut, comme le font les naturalistes, les ethnographes et les historiens, procéder par la statistique dans l’examen des caractères distinctifs de l’humanité. Que fait, par exemple, M. de Quatrefages, pour démontrer