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palpable et concrète, une société anonyme ne peut prendre corps et consistance que par la publicité qui entoure son origine, ses principaux actes et toutes les modifications qu’elle peut subir. La publicité est, pour ainsi dire, le milieu dans lequel les sociétés anonymes sont condamnées à vivre, non par les prescriptions arbitraires des législateurs, mais par la nature même des choses et la logique des situations sociales. Tel est le point de départ des dispositions prises en Angleterre par les actes récens du parlement. Si la publicité est la condition nécessaire de l’existence des compagnies anonymes, c’est d’un autre côté la seule limite qui puisse être imposée à la liberté de leurs allures. Pourvu qu’elles fassent tout au grand jour, elles doivent rester complètement maîtresses de leurs mouvemens. Les résolutions les plus importantes qu’elles peuvent prendre, — les changemens à leurs statuts, l’augmentation ou la diminution même de leur capital, — sont, suivant le législateur anglais, sans danger, si elles sont prises ouvertement et portées en temps utile à la connaissance des intéressés. Aussi les deux actes de 1862 et de 1867 se sont-ils occupés principalement de fixer les conditions de publicité auxquelles les sociétés anonymes devraient être astreintes au moment de leur naissance et dans toutes les périodes de leur existence. C’est la partie essentielle de ces deux documens législatifs ; tout le reste n’est qu’accessoire. En procédant de cette manière, le parlement a donné gain de cause une fois de plus à la célèbre définition de Montesquieu, que les lois sont des rapports nécessaires qui résultent de la nature des choses. Ces rapports nécessaires et naturels existent pour les personnes morales, mal à propos appelées fictives, comme pour les personnes corporelles. Le législateur n’a donc eu qu’à les reconnaître, à les définir, à les préciser.

Le point d’appui de cette publicité permanente, à laquelle le parlement anglais a voulu soumettre les sociétés commerciales, c’est l’institution de bureaux particuliers d’enregistrement (registration offices) pour tous les actes concernant ces sociétés. La branche de l’administration centrale qui a pour mission de s’occuper des relations du gouvernement avec l’industrie, et qui, sous le nom de board of trade, correspond à beaucoup d’égards à notre ministère du commerce, peut déterminer les lieux où ces bureaux seront établis et a le droit d’en nommer les employés, connus sous le nom de registrars des joint stock companies et assistant registrars. C’est entre les mains de ces employés que tous les actes principaux de la vie des sociétés par actions doivent être déposés pour être enregistrés et communiqués, sans autre formalité que le paiement d’un droit excessivement minime, à toute personne qui en fera la demande. L’institution de ces bureaux, destinés à centraliser les renseignemens concernant les sociétés anonymes et à les mettre à la disposition