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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/757

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-— une catastrophe immense est venue nous en convaincre, — que la surveillance du gouvernement sur les opérations des compagnies est vaine et illusoire. Il n’est aucun bon esprit qui en doute. Aussi, quoiqu’il ne soit pas complètement effacé de nos lois, le principe de la tutelle gouvernementale sur les sociétés anonymes peut être regardé comme abandonné. L’ancien ministre d’état, dans une discussion qui n’est pas encore vieille d’un an, déclarait au corps législatif que le gouvernement était prêt à renoncer à tout droit de surveillance sur les sociétés ; mais, cette réforme faite, tout sera-t-il dit ? Non, sans doute. N’aura-t-on pas à chercher d’autres garanties dans l’intérêt des actionnaires et des tiers ? Pourra-t-on les abandonner ainsi complètement à leurs lumières particulières, sans jamais, en aucune circonstance, leur venir en aide ? Une telle indifférence et une telle inaction seraient à nos yeux imprudentes. Si partisan que nous soyons de l’abstention de l’état dans les matières de commerce et d’industrie, ce serait se montrer rebelle à toute expérience que de ne pas chercher, en faveur des intéressés, quelque garantie efficace contre les simulations et les fraudes dont les administrations peuvent se rendre coupables. Sans doute, il sera bon d’augmenter encore les conditions de publicité auxquelles les principaux actes et la gestion même des compagnies doivent être soumis ; mais il faudra faire plus encore, car il est dans la nature des choses que le contrôle des actionnaires sur les opérations d’une grande compagnie soit presque toujours impuissant. C’est une œuvre malaisée que de porter la lumière dans des comptes aussi compliqués et aussi nombreux. D’ailleurs le plus souvent les élémens de contrôle manquent. Il faut s’en remettre entièrement aux censeurs élus par l’assemblée générale ; mais ceux-ci, nommés par une majorité crédule ou servile, désignés presque toujours officiellement ou officieusement par les administrateurs eux-mêmes, ne sont pas faits pour inspirer confiance à une minorité défiante et soucieuse de ses intérêts. C’est à cette minorité qu’il importe de prêter assistance ; si l’on ne vient à son secours, elle se trouve complètement dépourvue de moyens de contrôle. Quand elle atteint une certaine importance, qu’elle représente le vingtième ou, si l’on veut, le dixième du capital social, y aurait-il quelque inconvénient à lui donner le droit de recourir, comme en Italie, à la chambre de commerce de son ressort ? Nous voyons à cette manière de procéder de sérieux avantages. Les livres, les comptes, la gestion de la compagnie seraient examinés par des hommes compétens, impartiaux, inspirant de la confiance aux intéressés. Si leur rapport concluait à la loyauté et à la régularité des opérations, tout le monde serait rassuré, le crédit de la compagnie en serait affermi ; si au contraire il