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PHILOSOPHIE
DE
L’HISTOIRE CONTEMPORAINE

LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE EN FRANCE.

L’histoire n’est ni une géométrie inflexible ni une simple succession d’incidens fortuits. Si l’histoire était dominée d’une manière absolue par la nécessité, on pourrait tout prévoir; si elle était un simple jeu de la passion et de la fortune, on ne pourrait rien prévoir. Or, la vérité est que les choses humaines, bien qu’elles déjouent souvent les conjectures des esprits les plus sagaces, prêtent néanmoins au calcul. Les faits accomplis contiennent, si on sait distinguer l’essentiel de l’accessoire, les lignes générales de l’avenir. « Le petit grain de sable qui se mit dans l’urètre de Cromwell » fut, au XVIIe siècle, un événement capital; la philosophie de l’histoire d’Angleterre est indépendante d’un pareil détail. Santé ou maladie, bonne ou mauvaise humeur des princes, brouilles ou raccommodemens des personnages considérables, intrigues diplomatiques, chances diverses de la guerre, le plus grand génie ne sert de rien pour deviner tout cela. Ces sortes de choses se passent dans un monde où le raisonnement n’a aucune application. Le valet de chambre d’un souverain pourrait, en fait de nouvelles importantes, redresser les idées du meilleur esprit; mais ces accidens, impossibles à prévoir et à déterminer a priori, s’effacent dans l’ensemble.