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plus sûre : conserver les anciennes familles royales comme de précieux monumens et d’antiques souvenirs n’est pas seulement une fantaisie d’antiquaire; les dynasties ainsi conservées deviennent des rouages infiniment commodes du gouvernement constitutionnel à certains jours de crise. Les pays qui ont suivi cette marche, comme l’Angleterre, arriveront-ils un jour à la république parfaite, sans dynastie héréditaire et avec suffrage universel? C’est demander si l’hyperbole atteint ses asymptotes. Qu’importe, puisqu’en réalité elle en approche si près que la distance est insaisissable à l’œil ! Voilà ce que le parti républicain français ne comprend pas. Pour la forme de la république, il en sacrifie la réalité. Pour ne pas suivre une grande route tracée, faisant quelques détours, il préfère se jeter dans les précipices et les fondrières. On vit rarement avec autant d’honnêteté aussi peu d’esprit politique et de pénétration.

L’année 1848 mit la plaie à nu, et posa pour tout esprit exercé le principe fondamental de la philosophie de notre histoire. La révolution de 1848 ne fut pas un effet sans cause (une telle assertion serait dénuée de sens), ce fut un effet complètement disproportionné avec sa cause apparente. Le choc ne fut rien, la ruine fut immense. Il arriva en 1848 ce qui serait arrivé en Angleterre, si Guillaume III eût été emporté par un des accès de vif mécontentement que provoqua son gouvernement. L’histoire d’Angleterre eût été bouleversée dans une telle hypothèse. En Angleterre, le goût du peuple pour la légitimité et la crainte de la république furent assez forts pour faire traverser à la nouvelle dynastie les momens difficiles. En France, l’affaiblissement moral de la nation, son manque de foi en la royauté, l’énergie du parti républicain, suffirent pour jeter par terre un trône qui n’avait que des assises ruineuses. On vit ce jour-là la funeste situation où la France est restée depuis la révolution. Si en France la révolution et la république avaient jeté des racines moins profondes, la maison d’Orléans et avec elle le régime parlementaire se fussent sûrement consolidés ; si l’idée républicaine avait été plus dominante, elle aurait, après diverses actions et réactions, entraîné le pays, et la république se fût fondée : ni l’une ni l’autre de ces deux suppositions ne se réalisa. L’esprit républicain s’était trouvé assez fort pour empêcher la royauté constitutionnelle de se fonder; il ne fut pas assez fort pour fonder la république. De là une position fausse, bizarre et faite pour amener un triste abaissement. Ce qui s’est passé en 1848 pourrait se passer plusieurs fois encore; tâchons d’en bien démêler la loi secrète et l’intime raison.

Quand nous voyons un homme mourir d’un rhume, nous en concluons, non pas que le rhume est une maladie mortelle, mais que cet homme était poitrinaire. La maladie dont mourut le gouverne-