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REVUE. — CHRONIQUE.

déguisée des « sciences exactes » à l’infaillibilité de leurs procédés de recherches, c’est l’orgueil des chiffres, la présomption des mesures, la morgue des formules. Comment les contradicteurs pourraient-ils s’entendre, si chacun d’eux croit pouvoir invoquer en sa faveur l’évidence absolue? L’autre cause, plus triste à dire, c’est que trop souvent le dissentiment porte sur tout autre chose que sur l’objet qui est en vue, que la palme qu’il s’agit de remporter est une palme brodée, qu’au bout d’une controverse le vainqueur aperçoit une place ou un traitement. Si l’on fait la part de ces puissantes « causes d’erreur, » dont les combattans eux-mêmes n’ont pas toujours conscience, on ne s’étonne plus de la longueur ni de l’aigreur de certaines discussions.

Grâce à son organisation large et libérale, l’Académie des Sciences est devenue le champ-clos préféré des débats scientifiques; c’est là que se déroulent ces interminables polémiques entre hétérogénistes et panspermistes, entre détracteurs et défenseurs de Newton, entre astronomes de l’Observatoire et du bureau des longitudes, dont le bruit retentit aux quatre coins du monde. Les séances, qui ont lieu chaque lundi, sont publiques; les savans étrangers à l’Académie peuvent être admis à y faire une lecture; le compte-rendu, qui paraît le samedi, est un véritable journal, il mentionne toutes les communications qui ont été adressées au bureau, et reproduit celles qui paraissent importantes ou qui sont signées d’un nom connu. À cette publicité officielle s’ajoute encore celle qui repose sur les comptes-rendus hebdomadaires que les journaux ont pris l’habitude de consacrer aux séances de l’Académie, et l’on comprend dès lors qu’elle soit le centre où convergent tous les regards, le véritable foyer de la vie scientifique en France, et l’aréopage où se portent tous les débats.

Depuis deux ans, l’observatoire de Paris n’a cessé d’occuper l’Académie; il faisait concurrence à la grande affaire de la correspondance apocryphe de Pascal, Newton, Galilée et des autres savans du XVIIe siècle, affaire dont on connaît le triste dénoûment. A son tour, la question de l’Observatoire vient d’être résolue, ou plutôt tranchée par un décret impérial. Il y a quelque intérêt à y jeter un coup d’œil rétrospectif.

A l’origine, il s’agissait de transporter hors de Paris l’Observatoire dont on a ici même raconté la fondation et le pénible développement[1]. Les partisans du projet alléguaient que le bruit des rues, l’agitation du sol causée par les voitures, les fumées et les émanations de toute sorte, rendaient impossibles les observations délicates sur lesquelles reposent les fondemens de l’astronomie. L’Académie fut consultée, elle nomma une commission d’enquête, et après une discussion aussi longue qu’animée voici quel fut l’avis de la majorité : « il importe que l’Obser-

  1. Voyez la Revue du 1er février 1868.