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REVUE. — CHRONIQUE.

teur, président de droit. Ce conseil devait se réunir au moins une fois par mois pour délibérer sur les affaires de l’établissement; il devait partager avec le directeur l’initiative des propositions dans les questions de science et dans les questions de matériel, mais le directeur représentait toujours en somme le « pouvoir exécutif, » les chefs de service étaient tenus d’agir « sous son autorité. » Étant donnés les dissentimens qui avaient déjà éclaté plus d’une fois entre le fougueux directeur et ses collègues, il était facile de prévoir que ce palliatif serait insuffisant. La situation restait pleine d’orages, M. Le Verrier, on en eut bientôt la preuve, n’était point disposé à faire bon marché de ses prérogatives dictatoriales. Le conseil ne fonctionna que d’une manière irrégulière, et les choses en vinrent bientôt à ce point que le service se trouva à peu près arrêté, comme un char attelé par devant et par derrière. Au commencement de février, les quatre chefs de service (MM. Yvon Villarceau, Lœwy, Wolf, Marié-Davy) et dix astronomes adjoints sur douze donnèrent leur démission. Le ministre s’empressa de convoquer une commission d’enquête; mais M. Le Verrier crut devoir porter l’affaire devant le sénat par une demande d’interpellation, et l’on sait de quelle manière le gouvernement a répliqué à cette « interversion des situations. »

Si l’on considère aujourd’hui sans parti-pris les résultats des seize années pendant lesquelles M. Le Verrier a régi les destinées de l’observatoire de Paris, on ne peut se dissimuler qu’il a fait de grandes choses. L’outillage actuel de l’établissement est magnifique, les observations ont été faites avec régularité et en très grand nombre, enfin, ce qui est d’une importance inappréciable, elles ont été calculées et publiées. Les services que l’astronomie pouvait attendre du grand établissement de Poulkova se trouvent singulièrement diminués par le retard indéfini qu’a subi la publication des observations; depuis trente ans que cet « observatoire modèle » existe, on n’a encore mis au jour que les résultats de quelques recherches spéciales. M. Le Verrier, en prenant la direction de l’observatoire de Paris, a commencé par réduire les observations accumulées depuis 1803, et qui jusqu’alors n’avaient été publiées qu’à l’état brut; cela forme dix volumes des Annales. Les observations faites depuis 1854 remplissent déjà douze autres volumes, et en y ajoutant dix volumes de mémoires sur des questions de théorie, on arrive à un total de trente-deux gros in-quarto publiés en seize ans, ce qui est presque sans exemple. Encore ne comptons-nous pas des publications accessoires telles que le Bulletin météorologique, plusieurs Atlas des orages, etc., à l’aide desquelles on arriverait peut-être à cinquante volumes. De tels résultats témoignent d’une activité extraordinaire et d’une énergie rare. M. Airy, l’astronome royal d’Angleterre, le reconnaît dans une lettre qu’il vient d’écrire à M. Le Verrier et qui a été lue au sénat. « Je regarde, dit-il, avec une très haute admiration la bonne et forte organisation que vous avez introduite dans l’observatoire de Paris,