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l’épargne, rend l’ouvrier actif, assidu, infatigable. Tels sont les résultats de cette heureuse alliance des travaux industriels et des travaux agricoles, alliance féconde et bienfaisante que l’on doit saluer avec d’autant plus d’enthousiasme, quand on la rencontre, que la vapeur est sur le point de la chasser de l’Europe.

Si de ces régions mitoyennes des montagnes et de ces plateaux élevés nous passons aux collines et aux vallées étroites qui couvrent tout l’intérieur du pays, c’est une autre nature, une autre population, une autre organisation agricole et industrielle qui se présentent à nos yeux. Les environs de Florence, de Sienne, de Lucques, le val de l’Arno, le val de Nievole, le val de Chiana, c’est le cœur de la Toscane ; c’est là que les institutions, les habitudes, les contrats agraires s’offrent sous leur aspect le plus caractéristique. Nulle contrée n’est plus naturellement fertile, ni plus enrichie par la main et l’épargne de l’homme. On y voit des milliers d’enclos couverts d’oliviers et de vignes, et au milieu desquels s’élèvent, à des distances très rapprochées les unes des autres, une foule de maisons de briques ou de pierres calcaires, le plus souvent badigeonnées et blanchies, qu’habitent de nombreuses familles de paysans. La terre est séparée en une multitude de petits compartimens formant des carrés longs et bordés de rangées d’arbres, des mûriers quelquefois, des peupliers le plus souvent. Ce dernier arbre a remplacé en Toscane l’orme classique des poètes latins, c’est au peuplier aujourd’hui que le paysan marie la vigne, c’est à ses rameaux qu’il entrelace les flexibles sarmens et les riches guirlandes chargées de grappes. Les oliviers tantôt sont distribués en lignes espacées au milieu des champs, tantôt, pressés les uns contre les autres, ils forment de véritables forêts. Ces terres, ainsi plantées de peupliers, d’oliviers et de vignes, sont cultivées en céréales et en légumineuses ; par une prodigalité de la nature, le même terrain donne ainsi à la fois le froment, l’huile et le vin, et l’œil découvre presque au même moment dans ces paysages symétriques les moissons dorées, les grappes vermeilles, les vertes olives, trois récoltes précieuses superposées les unes aux autres.

Si grande que soit la fécondité primitive du sol, c’est à l’homme, à son travail persistant, à son intelligence prévoyante, à ses épargnes accumulées, que sont dues de pareilles richesses. Ces collines et ces vallées si fertiles étaient jadis ravagées par des torrens impétueux qui entraînaient dans leur course des débris de rochers et la terre végétale. Par l’effet des eaux, la culture devenait sur les pentes de plus en plus difficile et ingrate. Machiavel fait mention d’un cadastre dressé par les Florentins à une époque très reculée, et qu’on dut réviser parce que les terres des collines avaient dans l’intervalle beaucoup perdu de leur valeur, relativement aux terres