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ÉTUDES
DE MŒURS ROMAINES
SOUS L’EMPIRE

V.

L’OPPOSITION SOUS LES CÉSARS.


I.

Un des plus grands malheurs du régime impérial à Rome, c’est de n’avoir pas trouvé en face de lui une opposition franche et déclarée. Je sais que beaucoup de personnes seront disposées à l’en féliciter. On regarde d’ordinaire comme un gouvernement fort celui qui fait taire par la violence les opinions qui lui sont contraires ; c’est une erreur profonde, car il montre, en supprimant la contradiction, qu’il se défie de lui et se croit trop faible pour la supporter. Le gouvernement vraiment fort est celui qui laisse l’opposition se produire librement et qui s’arrange pour vivre avec elle ; le chef-d’œuvre, c’est de vivre d’elle, comme font les Anglais. Chez eux, non seulement on la tolère, mais on en profite ; tandis qu’ailleurs on la met hors la loi et on lui impose l’obligation de tout détruire pour subsister, là on l’a introduite dans le gouvernement même, comme un rouage nécessaire, et on l’a ainsi intéressée au salut de la machine.

Malheureusement pour lui, l’empire romain fut un de ces régimes malavisés qui ne souffrent pas d’être contredits. Il y était