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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

leurs portes, mais s’opposer même à ce que des laïques les reçussent chez eux. La rage de ces détestables évêques allait jusqu’à exciter les gardiens à les maltraiter, et, soit par menaces, soit par présens, ils obtenaient leur expulsion des villes. Léontius d’Ancyre se signala entre tous par l’acharnement de sa persécution.

Telle fut l’issue de cette ambassade, que les évêques d’Occident, surtout celui de Rome, avaient préparée avec une si ardente et si sainte charité, dans le désir de justifier Chrysostome ; le concile œcuménique finit avec elle. C’était le dernier espoir des amis de l’exilé, la dernière ressource de leur cause. Lui-même avait partagé leur espérance et attendait toujours que le rayon de la vérité partît d’Occident, car il connaissait trop bien maintenant l’état de l’église d’Orient pour mettre en elle aucune confiance. S’il apprit le mauvais succès des tentatives d’Innocent, Dieu permit du moins qu’il conservât ses illusions jusqu’à la mort. Le contre-coup de cet échec se fit sentir en Occident comme en Orient. Théophile et le triumvirat triomphaient, et quiconque en Orient osait professer encore les opinions joannites ou entretenir des relations avec des joannites était déclaré conspirateur, ennemi de l’état et criminel de lèse-majesté. L’empereur Arcadius avait fini par partager cette opinion : aussi mal en prenait aux voyageurs qui, venant d’Occident, se trouvaient porteurs de papiers concernant les affaires orientales. Un moine sur qui on surprit des lettres adressées à des prêtres de Constantinople fut fouetté publiquement par l’ordre de l’archevêque Atticus ; puis, comme il refusait probablement de se reconnaître des complices, on le mit tout sanglant sur le chevalet et on lui disloqua les os. En Occident, un grand découragement suivit la déconvenue. Rome et l’Italie, livrées aux émotions de la récente invasion de Radagaise et des nouveaux débats avec Alaric, avaient à songer à elles-mêmes, et l’occasion était mauvaise pour tenter une guerre avec l’Orient à propos d’un concile refusé. Honorius dévora sa honte et se tint coi. L’église d’Occident elle-même se divisa. Les évêques d’Afrique, gagnés par les intrigues de Théophile, se montrèrent de plus en plus tièdes pour la cause de Chrysostome, et allèrent jusqu’à blâmer Innocent de retrancher de sa communion le patriarche d’Alexandrie, qui s’était toujours montré orthodoxe en doctrine. Augustin, bien que porté de cœur pour l’archevêque exilé, se joignit à ces remontrances, ne voulant pas, disait-il, se séparer de ses frères et participer au déchirement de l’église universelle. Ainsi la perversité trouvait des appuis jusque dans les plus grands noms de l’épiscopat occidental. Parmi les évêques d’Italie, plus d’une défection eut lieu, ou du moins plus d’un zèle se refroidit. En Gaule, la communion persista entre la plupart des églises et le patriarche d’Alexandrie :