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mais pour une fédération de trois peuples occupant une place et remplissant un rôle en Europe, pour une nationalité compacte, énergique, impossible à méconnaître.

Les dangers du nord appellent si évidemment ce remède que l’union Scandinave a failli se réaliser tout à coup, il y a quelques années, dans un moment de crise suprême. C’est là tout un curieux épisode peu connu, et qui nous permettra de mesurer à quelle distance nous sommes du jour où l’on peut espérer de voir la paix de l’Europe étayée de cette force nouvelle.


III.

Il y a deux sortes de scandinavisme. Il y a un scandinavisme littéraire et moral, si l’on peut ainsi parler, dont nous avons ici, en d’autres temps, retracé l’histoire[1]. Ce fut celui des trente dernières années, auquel contribuèrent à peu près tous les hommes éminens du nord contemporain, poètes, écrivains, artistes, publicistes. Il y en a un autre qui commence à prendre forme. L’agitation scandinave, au milieu des graves circonstances extérieures qui, dans ces derniers temps, inquiétaient tout le nord, affecta peu à peu des allures plus essentiellement politiques. On ne faisait peut-être pas moins de discours, on n’assemblait pas moins de meetings qu’autrefois, mais on se préoccupait davantage d’arriver à des résultats pratiques. Particulièrement depuis 1866, un grand nombre de sociétés dites scandinaves se sont formées en Danemark, en Suède et en Norvège. Ces sociétés, se multipliant dans les villes et dans les campagnes, se sont donné pour mission de démontrer la nécessité et la possibilité d’une alliance. Elles se chargent de provoquer des réunions pour écouter les objections et les combattre, pour résoudre à l’avance toutes les difficultés préliminaires, pour proposer des plans, pour convertir les esprits. Elles suscitent les délibérations publiques, enregistrent les avis motivés, ajoutent à la parole les publications à bas prix, brochures, pamphlets périodiques, journaux quotidiens. De tant de citoyens dévouas qui se consacrent à cette tâche en pensant travailler ainsi aux intérêts les plus chers de leur patrie, le plus infatigable est M. C. Rosenberg. Déjà connu par un volume érudit sur notre Chanson de Roland et par des études sur l’ancienne poésie Scandinave, il s’est donné à la prédication du scandinavisme politique et pratique. Il est partout présent par la parole et la plume, en agitateur, non pas certes au nom de l’insurrection et de la guerre, mais au nom de l’alliance future, au nom de la sé-

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1857, le Scandinavisme et le Danemark dans la crise actuelle.