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visme pratique, de remonter au-delà de la période contemporaine. Ce qui précède n’offre en ce sens que certaines combinaisons purement monarchiques, peu soucieuses du vœu des peuples, et se détachant sur une trame commune de perpétuelles dissensions entre les trois royaumes du nord, à la faveur desquelles Russie et Allemagne pénétraient toujours davantage parmi eux. Un des points culminans de cette longue anarchie entre des états qui devraient être depuis longtemps alliés est le règne de Charles XII : on vit alors le Danemark, ennemi acharné de la Suède, appeler à lui les armées russes, les accueillir sur son territoire, dans ses ports, et méditer avec Pierre Ier l’invasion de la péninsule suédoise pour y reprendre les belles provinces que les Danois y avaient longtemps possédées. Et, de son côté, l’héroïque et fou roi de Suède, croyant écraser l’allié de son ennemi, formait les Russes à la victoire, leur ouvrait par ses défaites les côtes de la Baltique, et secouait imprudemment le sommeil dans lequel cette nation barbare était encore plongée. La Scandinavie et l’Europe ont également souffert de ces divisions et de ces haines. Peu s’en fallut, il est vrai, que le prince royal de Danemark, en 1743, ne fût élu successeur éventuel du roi de Suède; l’intervention de la Russie empêcha seule cette union. En 1810, lors de l’élection de Bernadotte comme prince royal de Suède, le roi de Danemark Frédéric VI, que Napoléon recommandait, fut son concurrent, et faillit recueillir la succession suédoise; mais encore une fois, la conscience nationale restait trop étrangère à ces combinaisons dynastiques. La réunion de la Norvège à la Suède en 1814 ne fut qu’une compensation de la perte de la Finlande, accordée par les alliés au détriment du Danemark, et pourtant il semble que, dans cette dernière transformation, l’influence d’un nouvel esprit se manifeste. Ce n’est pas par la violence que ce rapprochement s’accomplit; les représentans norvégiens y donnent leur assentiment, les conditions sont celles d’une parfaite égalité. L’union s’est développée depuis, toujours dans le sens libéral, la Norvège affirmant chaque année davantage son indépendance, la Suède s’élevant peu à peu, pour ce qui lui restait de progrès à faire, au niveau des institutions presque républicaines que l’autre royaume s’était données, si bien qu’une telle union peut être invoquée aujourd’hui non-seulement comme un prélude, mais, à certains égards, comme un modèle pour la future confédération scandinave.

Les deux guerres intentées de nos jours par l’Allemagne contre le Danemark, voilà quels ont été pour le scandinavisme pratique les vrais momens d’épreuve : ils ne sont pas restés absolument stériles. En 1848, au mois d’avril, quand on apprit à Copenhague que les