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leurs, en forme de commentaire, et pour le cas où l’on n’eût pas compris, on avait reçu la visite du grand-duc Constantin, Il est vrai que le ministre des affaires étrangères de Russie s’était hâté d’écrire également à Berlin, pour qu’on évacuât le Jutland au plus vite. Le tsar avait sans doute réfléchi que, si les Danois venaient à recevoir dans cette guerre un énergique secours du gouvernement voisin, il pourrait bien se faire qu’ils allassent chercher à Stockholm un successeur à Frédéric VII, qui n’avait pas d’enfans. On a médit alors en Danemark, quand on n’en avait pas l’explication, de l’inaction du corps auxiliaire. Sans doute on pouvait souhaiter une conduite plus hardie; mais on doit cependant reconnaître que, sans l’arrivée de ce secours, la Russie aurait laissé plus longtemps du moins le champ libre à l’armée prussienne. Ce qu’il eût fallu, c’est que le cabinet de Stockholm, affranchi des influences de Saint-Pétersbourg, fût lié d’avance par des engagemens formels l’obligeant à secourir immédiatement le Danemark menacé par l’Allemagne. En présence d’une telle union, ou bien l’agression n’aurait pas eu lieu, ou bien, s’attaquant à trois peuples à la fois, elle aurait rencontré tout d’abord des forces plus imposantes qui eussent ralenti, sinon arrêté ses progrès, et par là suscité des interventions d’autre genre. Celle de la Russie ne fut ici que funeste. Le roi Oscar manqua l’occasion de gagner, pour lui ou pour son fils, la triple couronne; il vit désigner comme futur successeur du roi de Danemark le prince Christian de Glucksbourg, alors agréable au tsar.

L’échec profita cependant à l’esprit public. Loin de prendre le change, il aperçut où était le mal et quel serait désormais le droit chemin : il fallait rompre tous liens compromettans avec la Russie et l’Allemagne, pour mettre ensuite en commun ses forces comme ses intérêts. Les progrès du scandinavisme pendant les années suivantes peuvent se calculer d’abord aux changemens qui s’accomplirent dans les dispositions du roi Oscar. Il est vrai que de grands événemens venaient l’y aider. Pendant la seconde année de la guerre d’Orient, il conclut avec l’Angleterre et la France ce traité du 21 novembre 1855, par lequel il s’engageait à entrer en ligne avec nous, si les hostilités reprenaient au printemps de l’année suivante. Ainsi le fils de Bernadette répudiait enfin ce qui restait encore d’une politique depuis longtemps reniée par ses sujets. Quelques mois plus tard, en juin 1856, le roi Oscar recevait à son château de Drottningholm une députation scandinaviste plus nombreuse que toutes celles qui, dans les précédentes années, avaient propagé l’agitation nationale, et il parlait publiquement un langage inspiré désormais des mêmes sentimens qui animaient autour de lui les représentans des trois peuples.