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Ce qui n’est pas douteux, ce qui se dégage visiblement de l’épisode de 1864, c’est le caractère de nécessité politique avec lequel le scandinavisme commence à s’imposer. Qu’on désapprouve tant qu’on voudra la manière dont s’y est pris le roi de Suède, qu’on interprète comme on l’entendra ses allures, ses intentions, ses calculs, il n’en est pas moins vrai qu’en proposant une union scandinave et la future unité de dynastie, il a cru prendre les devans dans une entreprise réputée aujourd’hui salutaire et praticable; il a cru le temps arrivé où l’on ne traiterait plus ce projet de vaine utopie, et la réponse faite à ses premières ouvertures a prouvé que la pensée était juste. Or d’où vient ce progrès réel, sinon de ce qu’en présence de tant de dangers l’union des trois peuples est en effet un refuge désormais absolument nécessaire? Les deux rois qui représentent le nord scandinave ont été ensemble d’avis, quelques semaines durant, qu’il en faudrait venir là, et la joie causée par le mariage récent de l’héritier danois avec la fille unique du roi de Suède a prouvé que telle est la conviction générale et intime des trois peuples. Les Scandinaves sont édifiés sans doute sur ce qu’ils peuvent attendre des puissances occidentales, tant qu’ils seront affaiblis par la division. Les gouvernemens de France et d’Angleterre leur feront, s’ils y tiennent beaucoup, leur confession ; l’un des deux particulièrement la pourra faire d’un cœur contrit, sachant ce que ces dernières années lui coûtent. Ils voient ce que pèsent sur la conscience des cabinets les intérêts des petits peuples. L’Europe toutefois se vante encore de soutenir les nationalités; qu’ils réunissent donc leurs élémens épars. Ne comptant d’abord que sur eux-mêmes, bannissant d’entre eux toute défiance afin d’être mieux unis, ils retrouveront, au milieu des vicissitudes de l’avenir, l’assistance qui, pour leur intérêt et le nôtre, leur a trop longtemps manqué.


A. GEFFROY.