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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.


lois du 15 mars 1850, du 9 mars 1852 et du 14 juin 1854. Ces lois ont établi au-dessus de l’Université, pour la contenir et la surveiller, des conseils qui sont en même temps des degrés de juridiction, le conseil impérial de l’instruction publique et le conseil académique, des inspecteurs-généraux et des recteurs. Tant que nos facultés resteront soumises à cette surveillance qui s’exerce sur elles, elles n’existeront pas comme corps. Veut-on les constituer à l’état de corporations libres, il faudrait avant tout les soustraire à toute influence étrangère[1]. Pour remplacer le conseil impérial et le conseil académique, on établirait auprès de chaque faculté un conseil exclusivement composé des professeurs et des doyens élus par les professeurs. Dans les villes comme Paris et Strasbourg, où la réunion des quatre facultés, des lettres, des sciences, de médecine et de droit, forme une véritable université, le conseil se composerait des doyens de chaque faculté et d’un certain nombre de professeurs choisis par leurs collègues. Ces conseils hériteraient de toutes les attributions qui ont été dévolues au conseil académique et au conseil impérial de l’instruction publique. Ils décideraient souverainement de toutes les questions relatives à l’enseignement, aux programmes et à la discipline. Ils auraient le droit exclusif de proposer au gouvernement des candidats à toutes les places vacantes. Ils veilleraient à ce que les diverses branches de l’enseignement fussent également représentées, et pourraient prendre l’initiative de créer de nouvelles chaires. Le gouvernement bornerait sa mission à choisir, entre les candidats qui lui seraient proposés, celui qui lui paraîtrait le plus digne ; le plus souvent il ne changerait rien à la liste de présentation. Content de doter largement les facultés ainsi rendues à elles-mêmes, il conserverait encore la charge de subventionner des cours extraordinaires que de jeunes docteurs voudraient ouvrir. Ces cours ne tarderaient pas à être aussi nombreux qu’en Allemagne, et formeraient comme une pépinière où le conseil de l’Université serait toujours assuré de recruter des sujets d’élite. L’état y trouverait un moyen de stimuler par la concurrence le zèle des facultés, s’il venait à s’endormir, et de réparer les erreurs que l’esprit de corps, souvent étroit, pourrait lui faire commettre. Telles seraient, à notre avis, les principales mesures qui devraient préoccuper le législateur.

Si ces idées pouvaient prévaloir, si le principe de la liberté de l’enseignement supérieur était inscrit dans la loi, en même temps qu’on réserverait à l’état la délivrance des grades et qu’on rendrait aux facultés leur autonomie, nous nous rangerions du côté des évêques dans leur prochaine campagne, et nous oublierions les légitimes défiances qu’ils ont inspirées aux esprits les plus éclairés ;

  1. Les facultés ont bien aujourd’hui le droit de présenter des candidats aux chaires vacantes, mais elles partagent ce droit avec le conseil académique.