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tème de jury a été adopté pour plusieurs de nos grandes écoles, l’École polytechnique et l’École militaire de Saint-Cyr, et il a produit, de l’aveu unanime, les meilleurs résultats. Si l’application en devenait générale, outre que l’on éviterait le double danger signalé plus haut, les professeurs de nos facultés seraient déchargés d’un labeur parfois accablant, en même temps que se trouverait concilié le principe de la délivrance des grades par l’état avec les garanties que l’enseignement libre réclame. Ajoutons que cela n’empêcherait nullement les universités libres qui se fonderaient d’avoir leurs diplômes et leurs certificats d’études ; mais ces diplômes et ces certificats n’auraient qu’une valeur de convention, et ne pourraient en aucun cas tenir lieu de grade professionnel. Nous avons déjà quelque chose d’analogue : l’École centrale délivre des diplômes qui ne confèrent aucun droit, mais qui facilitent l’accès des carrières industrielles.

Arrivons au troisième point, c’est-à-dire à la modification des rapports de l’état avec les universités. Il serait étrange en vérité que l’Université demeurât seule en dehors du mouvement libéral, et que, dans le temps où toutes nos institutions deviennent parlementaires, seule elle restât comme un témoin d’un passé qui s’en va. Dans un pays émancipé par le suffrage universel, où chaque citoyen, ne sût-il ni lire ni écrire, peut exercer sur la chose publique sa part d’influence, le corps qui représente la tradition scientifique et littéraire en ce qu’elle a de plus élevé devrait avoir depuis longtemps revendiqué et obtenu la libre direction de lui-même. Certes, si le principe du self-government pouvait être appliqué sans inconvénient quelque part, c’est dans l’ordre de l’enseignement supérieur. Nulle part on ne trouverait autant de lumières unies à autant de dignité dans la conduite de la vie, et cependant nulle part la main de l’état ne s’est plus fait sentir que dans la constitution de l’Université, nulle part les efforts de la centralisation n’ont été plus exagérés. On a vu plus haut quelles avaient été les causes de cette centralisation, maintenant il reste à indiquer en peu de mots comment il semble qu’on en pourrait détruire les effets. Sans doute les conditions de notre enseignement supérieur tiennent de trop près, comme l’a dit M. Renan, aux lois fondamentales de la société issue de la révolution pour qu’on puisse songer à aucune modification radicale ; mais si l’on ne peut que difficilement créer de toutes pièces une nouvelle organisation de notre enseignement supérieur d’après un modèle étranger, il y aurait évidemment un grand avantage à rendre à nos facultés la liberté scientifique et l’autonomie qui font la force et la dignité des universités allemandes.

Pour restituer à nos facultés leur autonomie, il suffirait d’abroger, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, une partie des