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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/779

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pays natal du chef de la dynastie actuelle devait s’élever, pour réchauffer l’enthousiasme de ses concitoyens, la statue de Napoléon Ier On eut recours à M. Barye. Cette statue fut-elle à la hauteur de la réputation de l’artiste et de ce qu’on attendait de lui ? M. Barye devait encore réaliser une autre fois la même figure. Dans celle-ci, Napoléon Ieraurait été vêtu de ses habits ordinaires, tels qu’il les portait au retour de l’île d’Elbe ; il devait endosser la redingote grise et coiffer ce chapeau qu’on a appelé petit. Ce bronze était destiné à Grenoble. Nous n’avons pas à nous en occuper ; à peine osons-nous le regretter pour M. Barye : un autre a reçu la commande qui lui avait été réservée.

Cependant, comme on avait été content de la manière dont il avait rendu les traits de l’oncle, il ne devait pas tarder à être chargé de reproduire l’image du neveu. L’architecte des constructions du Louvre et des Tuileries, après la mort de Visconti, demandait un bas-relief de Napoléon III. Ici encore tout un programme imposé ; non-seulement les dimensions et l’épaisseur du relief, mais la couleur, la nature du fond, la nuance du bronze, l’ajustement. Cette réglementation n’a pas été heureuse. La statue équestre remplit au-dessus des figures colossales de la Guerre et de la Paix un assez vaste demi-cintre entre deux pavillons qui regardent sur le quai. C’était une nécessité de combiner l’aspect de la composition en raison de la perspective et de calculer la distance. M. Barye n’y est point arrivé. Disons-le, l’effet est mal venu et des moins agréables.

La pierre, le marbre et le bronze offrent moins de ressources et d’artifices au sculpteur que le peintre n’en trouve dans son pinceau et sa palette. Les images de la statuaire sont plus malaisées. Elles ont de plus contre elles, dans le cas présent du moins, une impression, un préjugé si vous voulez, mais un préjugé presque universel dont quelques-uns se rendent compte, dont la plupart n’ont que la notion confuse. Pourquoi se faire ériger soi-même des statues de son vivant ? Pourquoi ne pas attendre que la reconnaissance ou le consentement unanime vous les dresse ? Nous ne souffrons point qu’on nous dise : « je suis un grand homme, » ni même : « je suis un grand personnage. » Laissez faire le temps. Napoléon, regrettant comme un autre Alexandre de n’avoir pas eu un Homère pour le chanter, entreprit d’entonner lui-même son hymne de gloire. Il fit donc jeter les fondemens de cette colonne qu’on a nommée un clairon d’airain, qui devait lui dire ses victoires et les transmettre aux peuples à venir, en haut de laquelle il devait se poser debout sur une demi-sphère, tandis qu’en bas, en spirale, à ses pieds, se déroule l’échelle gigantesque qui lui a permis de monter jusque-là, l’armée avec ses engins, les canons et la chair à canon. Était-ce as-