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sez d’orgueil ? — Il n’a pas paru, car, le trouvant encore trop près de nous, récemment on lui a fait une sorte d’apothéose finale, une apothéose comme au dernier acte d’un drame ou d’une féerie. On l’a représenté en empereur divinisé portant en main la victoire.

Pour Napoléon III, dans le bas-relief de M. Barye, on ne lui a donné jusqu’ici que le costume d’empereur romain. Le reste peut-être ne viendra jamais. Dans un temps où l’esprit démocratique prévaut de tous côtés, cela serait préférable. Nous sommes irrévérencieux ; on l’était déjà, même dans les classes privilégiées, au temps de Louis XIV, quand on allait répétant une épigramme gasconne où l’on raillait ce Lafeuillade, ce courtisan qui plaçait le roi-soleil entre des lanternes. Napoléon III n’est pas mis entre quatre lanternes ; mais le champ où il se meut est fort resserré. M. Barye n’était point libre ; il n’est point homme à sortir de son cadre. Le personnage s’enlève durement sur une table de marbre blanc. Le contraste du bronze vert et du marbre est violent. Les années l’apaiseront, on le sait. Le cheval a de longues jambes, l’homme est court, ramassé, trapu, petit, trop petit. La statuaire a des exigences impérieuses ; il ne faut pas que celui que cherchent d’abord les yeux disparaisse et soit effacé. Les muscles du cheval, découpés comme des lanières, sont indiqués avec précision et exactitude, avec une énergie un peu forcée. Du cavalier, ce qu’on saisit le mieux, c’est le manteau qui le drape à moitié, la tête couronnée de lauriers, la main qui tient le sceptre, et une cuisse grêle, flasque, pressant le flanc de la bête, qui marche d’un pas relevé.

Le public n’a point applaudi. L’œuvre est sérieuse. Est-elle incomplète ? Elle n’emporte point les suffrages. Nous avons vu un confrère qui ne passe pas pour un envieux la regarder avec un sourire qui eût fort déconcerté l’auteur. Elle est inférieure à d’autres du même genre, et notamment à un bas-relief équestre du Salon de cette année que tout le monde a pu remarquer, à un très beau Louis XII de M. Jacquemart destiné à l’hôtel de ville de Compiègne. Du reste, nous confessons ne pas avoir vu ce Louis XII encastré dans le mur de façade auquel il doit être adapté. L’emplacement restant à peu près pareil, il ne pourra être contemplé que d’en bas par le spectateur, et la question de perspective n’est pas encore résolue pour nous.

On a pu juger si M. Barye est en crédit aujourd’hui par les ouvrages de lui qui sont dans le rattachement du Louvre aux Tuileries et dans le jardin : groupes de pavillons, bas-relief de l’empereur, lion au serpent dans la verdure des arbres. Les animaux, aigles et lions, occupent d’ailleurs une grande place dans la décoration du vaste édifice. C’est à tel point que des lions ont été hissés jusque